28 janvier 2011 – Témoignage d’un détenu par téléphone lors d’une action devant le centre fermé de Merksplas
Écouter le témoignage :
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Allo ? Oui, bonjour !
Je suis ici en face de votre drapeau là. (Où est écrit le numéro de téléphone)
Qu’est-ce que vous voulez savoir de nous en général ?
Le problème ici c’est qu’on est des illégaux. On n’est pas des criminels. Le problème c’est qu’avant que tu rentres ici, on te prive de ton portable si ton portable a une caméra ou quelque chose comme ça. Donc à l’intérieur il y a des choses qu’on ne veut pas montrer. Et puis le manger est une catastrophe. Et il y a quatre blocs et dans chaque bloc il y a plus de cinquante personnes. Nous n’avons pas le droit de dormir à l’heure que nous voulons. On doit dormir à 9h30. Tu sais, on est obligé de dormir à 9h30. L’après-midi, tu n’as pas le droit de manger à 2-3h, tu as le droit de manger seulement à 1h.
Et puis pour le dîner aussi, pareil, tu as le droit de seulement manger à 18h30 et donc si tout le reste de la nuit tu as faim, c’est ton problème.
En tout cas ici c’est la merde, si c’est ce que vous voulez savoir.
Le moment de pause, c’est de 2h30 à 3h30, après le manger, quoi.
Non, non, le matin, on reste dedans. Le problème : A l’intérieur, ce sont des personnes qui n’ont rien fait, il y a des personnes qui ont fait la demande de régularisation depuis 6 ans, 10 ans, 11 ans et elles ont seulement eu l’avis négatif. Donc moi, ce que je vois c’est que la Belgique, pour l’instant, ne veut plus d’immigrés. Et il y a des personnes qui ont quitté leur pays depuis 6 ans, 8 ans, 10 ans… C’est pas logique, c’est dingue.
(Voix par derrière) On est en prison ici.
Chaque semaine il y a des dizaines de personnes qui partent et des dizaines de personnes qui viennent. Le problème c’est que comme il y a des gens qui gagnent leur vie dans le centre ici, ils ne veulent jamais que le centre soit vide. Le problème, c’est que chacun a son histoire, mais moi je fais partie des personnes qui ont fait la demande de régularisation. Et l’avis était négatif, pour des causes inexplicables parce que si une personne est restée 8 ans, 10 ans dans le pays, elle a le droit d’avoir ses papiers !
Attends, je te donne un de mes frères qui voulait parler avec toi, s’il te plait.
(Autre personne)
Il y a devant moi un monsieur qui est marié et qui a trois enfants. Ils l’ont déjà envoyé deux fois à l’aéroport, l’ont frappé. À un autre ils ont fait une piqûre. Il y a une autre personne qui est mariée et depuis 10 ans ici, ils l’ont frappé et sont agressifs avec lui pour le voyage.
L’autre fois, il est revenu les yeux verts, tu vois. Ils lui ont mis les menottes et l’ont scotché. Il s’est un peu débattu parce qu’il ne voulait pas partir avec eux.
Alors ils l’ont frappé, l’ont mis en bas, ils ont écrasé sa tête avec le pied. Et ils ont fait beaucoup de bêtises avec lui. Et même une autre personne à côté de moi dans le cachot, elle criait, criait, alors ils sont entrés, dix chefs d’ici et ils lui ont fait une piqûre. Alors il est parti comme un robot et tu vois, maintenant il ne peut pas marcher, il ne peut rien faire.
Il y a un homme qui s’appelle Obama et il a deux filles ici. Une de neuf ans et une de six ans. Il est marié depuis plus de dix ans et ils veulent l’envoyer en Afrique.
Maintenant il est à l’aéroport. Il a deux enfants ici et se retrouve à l’aéroport !!!! Comment ça !!! Ça c’est pas quelque chose de bon, tu vois !
(Retour au premier homme)
On était entrain d’expliquer quelque chose là, c’est très important. La police l’a bien, bien frappée. Quand il est revenu ici, dans la chambre, il ne pouvait plus marcher.
Mais ici, ma sœur, on ne peut pas vous expliquer ce qui se passe ici. Si tu as un portable avec une caméra, on ne te laisse pas rentrer avec ici, parce qu’il se passe des choses telles qu’on ne veut pas qu’à l’extérieur, les gens le sachent.
C’est ça le problème.
Qu’est-ce que vous voulez savoir encore ?
Bon là c’est l’heure de manger, je pars pour manger.
Mais je vous rappelle.
Ça va merci. On est très content de vous et on est heureux de vous, quoi. Merci.