Centre fermé: deux témoignages écrits par des hébergeuses

Vendredi 2 novembre 2018.

H m’appelle … Il est depuis le 23/08 à Vottem. « Ca ne va pas … ; on m’a changé de chambre, je suis seul avec un autre gars ; on ne peut sortir qu’1h par jour, on ne voit personne. On doit même manger dans notre chambre »

Par le tam-tam, j’apprends que H a probablement fait une tentative de suicide, et que c’est pour ça qu’il a été mis en isolement ; un « cachot de luxe ». Je vais le voir la semaine suivante, après les congés de Toussaint, et tente de savoir ce qui s’est passé.

Raconte-moi, H … Il est gêné, n’ose pas me regarder dans les yeux parce qu’il sait que ça m’attriste beaucoup.

Puis il parle, la tête cachée dans mon épaule …
« On m’a dit : « Tu vas être conduit à l’ambassade d’Ethiopie, pour voir s’ils acceptent de délivrer le laisser-passer pour ton expulsion ». J’ai dit « « d’accord, je vais à l’ambassade ». Là-bas, ça a pris 3 minutes ! Personne ne m’a parlé, personne ne m’a posé de questions, n’a écouté ce que j’avais à dire. La dame qui m’accompagnait a signé les papiers et on est reparti. Après on m’a dit « tu dois demander l’asile, tu n’as plus le choix, sinon tu retourneras en Ethiopie » ; alors, j’ai dit «d’accord, je demande l’asile ».

Les autres gars du centre m’ont dit que si ma demande était refusée, je serais quand même expulsé. Je ne voulais pas les croire … Puis un Albanais qui était là depuis 6 mois, qui avait vu sa demande et son appel refusés a été renvoyé dans son pays. Alors, je les ai crus … et j’ai trouvé un cordon que j’ai caché dans mon lit, pour le jour où moi aussi, on voudrait me renvoyer là-bas. Ce jour-là, ma vie s’arrêterait dans le centre … L’éducateur a trouvé le cordon. Ils m’ont mis en isolement, avec T. On reste toute la journée dans cette pièce, même pour manger, même pour aller aux toilettes. On peut juste sortir 1h par jour et aller à la douche à 19h. Ils m’ont tout pris, ils m’ont pris le bracelet que tu m’as offert …

 

Octobre 2018

Visite à 2 protégés enfermés à Bruges … “Tu sais, on ne peut rien faire ici, les gardiens nous suivent partout. Il n’y a qu’aux toilettes qu’on peut aller seul. Si on ne mange pas, on nous enferme dans une pièce noire au sous-sol ; lorsqu’il y a des bagarres aussi, on enferme les gars au sous-sol ».
“On est tous ensemble dans le réfectoire, 3 gardiens nous surveillent ; j’ai été passé au détecteur avant d’entrer”. Et pourtant …

Un gardien entre dans la pièce ; le visage de N se fige, il a un mouvement de recul et un expression de dégoût. « Tu sais, quand tu partiras, il va m’emmener dans ma chambre et je vais devoir me déshabiller complètement. Ils vont me fouiller, pour voir si je n’ai rien caché … »
S : « oui, c’est vrai, ils examinent tout, même nos cheveux, même notre anus … ». « Les gardiens sont horribles ici, ils sont racistes ; mon assistante sociale aussi ; elle ne répond jamais à mes questions, ne donne aucune information ; quand je dois aller la voir, je me sens mal. On est vraiment très stressés »

NON AUX CENTRES FERMÉS

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