18/03/2020
Ici témoignages d’un homme enfermé à Vottem: Écoutez
À l’ombre de la médiatisation du coronavirus, les personnes détenues dans les centres fermés se révoltent face à l’administration raciste qui les enferme, et en continuité logique, les abandonne en temps de pandémie.
Cet article tente de dresser un état des lieux des résistances et des luttes que l’Etat aimerait invisibilisées. La majeure partie des informations compilées ce mardi 17 mars proviennent des détenu.e.s qui comme souvent lancent l’alerte, ainsi que de leurs soutiens et proches à l’extérieur.
Au centre fermé de Merksplas :
Un guinéen a été amené à l’aéroport ce mardi 17 mars, sans aucun examen médical ni aucune information concernant le virus.Une révolte s’organise aussi dans le centre fermé de Merksplas, où des détenus ont refusé de manger. Il y a à présent au moins six personnes au cachot après l’intervention de la police. Des détenus ont été libérés par l’administration. La rumeur à l’intérieur dit que tout le monde va être libéré. Le personnel du centre ne porte pas de masques. Apparemment, “c’est le bordel ici”.
Au centre fermé de Vottem :
Des détenu.es ont eu une conversation avec le directeur, qui leur a demandé pourquoi ils refusaient de manger. Il n’y a qu’une ou deux personnes qui mangent dans chaque aile. “Attention, si vous faites pression ça peut aller loin“, les a menacé le directeur en faisant référence au cachot.Il y a eu quelques libérations hier et environ 5 ou 6 hommes libérés ce mardi 17 mars selon nos informations. Des bruits de couloir disent qu’environ 30 personnes seront libérées prochainement.A. est enfermé depuis quatre mois et demi. Malade, il dit avoir une boule au niveau de l’estomac, il est stressé et ne va pas aux toilettes. “Je suis ici je ne sais pas pourquoi.”
Le CRACPE (Collectif de Résistance Aux Centres pour Étrangers) a résumé la situation à Vottem dans un communiqué dont voici un extrait :”Depuis ce lundi un mouvement de grève de la faim a commencé parmi les hommes détenus au centre fermé pour étrangers de Vottem. Ils dénoncent leur enfermement et une promiscuité dangereuse face à l’épidémie de coronavirus. En cette période difficile, ils souffrent aussi de ne pouvoir être auprès de leurs proches, de leurs familles dont beaucoup vivent en Belgique. Les visites sont dorénavant interdites.Quelques-uns ont été libérés, au compte-gouttes, depuis la fin de la semaine passée, par exemple parmi ceux qui avaient de très gros problèmes de santé, ou parmi ceux qui auraient dû repartir vers l’Italie. Tous ceux qui restent ne comprennent pas, et ont entamé ce mouvement de grève de la faim pour obtenir leur libération. La situation est très tendue ; certains sont désespérés, en témoignent une tentative d’évasion samedi, deux tentatives de suicide ces derniers jours.Ils nous ont demandé de faire ce communiqué car ils se sentent oubliés et ne peuvent se faire entendre.” https://www.facebook.com/collectifderesistanceauxcentrespouretrangers/
Au centre fermé 127bis :
Dans l’aile L, les détenus refusent parfois de manger et veulent tous partir en grève de la faim.Le 14 mars, un visiteur profitait d’un accès privilégié dû à son mandat pour visiter le 127 bis et faisait état de graves problèmes sanitaires : conditions d’hygiène non renforcées, sanitaires sales, sans savon, sans papier toilette, aucune adaptation dans les chambres, aucun renforcement des gardes de médecins et infirmiers, etc.Le 15 mars, il y a eu 12 libérations suite à la grève de la faim de plusieurs personnes notamment d’Aghanistan et de certains pays africains.Nous apprenons ce mardi que trois personnes ont été libérées.Toujours dans l’aile L : l’assistante sociale est venue à 11h, les gens ont demandé des informations. Elle n’a pas voulu répondre en répliquant “maybe tomorrow” avant de partir.Personne n’a mangé ce midi et il est probable que tout le monde continuera. Ils sont encore plus isolés que d’habitude car les visites ne sont plus permises.
Un des détenus témoigne : “we are not gangsters, we are not animals. We have questions but no answers, some people are here for 4, 5, 6 months without answers (ndlr: tickets). What with corona? We stay here? For how many months?“
Une hébergeuse témoigne à son tour : « J’ai senti qu’ils ont peur du virus comme nous, et ont peur d’être bloqués là, pour x temps. Moi il m’a dit qu’ils criaient tous “on n’est pas des gangsters, pourquoi nous enfermez-vous?“Sept nouvelles libérations sont connues dans l’aile : 3 Erythréens, 1 Ghanéen, 1 Ethiopien (dublin France) et 2 “Arabic” (dublin Belgique).
Au centre Caricole :
Selon nos informations, il y a eu 29 libérations au centre fermé Caricole dernièrement.
Au centre fermé de Bruges
A Bruges :Il semblerait que l’administration ait décidé de ne plus enfermer les femmes à Bruges. Nous apprenons que six femmes enfermées à Bruges ont été transférées au centre fermé d’Holsbeek.
Des détenus ont manifester dans le centre pour réclamer leur libération: : 6 d’entre eux ont été mis au cachot pendant 36 heures
Au centre fermé pour femmes de Holsbeek
On nous signale la libération de 6 femmes. Elles sont toutes dans le centre en attente de leurs libérations.
Selon une ONG, l’Office des étrangers aurait annoncé qu’il n’y aurait plus de nouvelle incarcération sauf pour les personnes qui viennent de prison. Commme ils sont inexpulsables actuellement, leur détention serait alors illégale. Les personnes arrêtées à l’aéroport pourraient également être détenues prochainement mais comme les frontières sont fermées et qu’il y n’a plus d’avions, il n’y aura pas trop de monde.
Le même Office des étrangers aurait promis d’essayer de libérer principalement les “vulnérables” dans le but de diminuer le nombre de prisonnier.es et de gardien.nes.
Profitons de cette information pour rappeler au besoin que les promesses de cette sinistre administration ne valent à nos yeux pas plus que leurs politiques détestables.
Face au coronavirus, le gouvernement appelle à la précaution et à la solidarité sans faille et presse les travailleuses (surtout) et travailleurs des services publics qu’il affaiblit pourtant sans cesse.La situation sanitaire catastrophique dans les centres fermés (ainsi que dans les prisons) n’est pas une défaillance anecdotique de l’administration de l’État mais révèle la structuralité du racisme que constituent ces lieux de mise à l’écart et de privation de liberté.
Elle révèle comment l’État traite les corps qu’il juge indignes et comment son admistration les expose à toute forme de violence dont l’enfermement en lui-même.
Dès aujourd’hui, les centres fermés doivent être vidés et dès demain, ils doivent être détruits.