En dehors du motif de l’enfermement, un centre fermé a tout d’une prison. D’ailleurs, avant l’entrée en fonction des quatre premiers centres fermés en Belgique, dans les années 1980, c’étaient bien des établissements carcéraux qui « accueillaient » les illégaux. À l’époque, parmi les arguments avancés par les instigateurs de ces centres de transit et d’enfermement, la création de ceux-ci devait permettre, notamment, de ne plus « stigmatiser » les détenus illégaux en les enfermant avec de « vrais » délinquants…
Malgré cela, on remarque que rien n’est fait pour que cette institution se différencie de l’institution carcérale.
“L’Arrêté Royal qui les régit (les centres fermés) se réfère explicitement au système pénitentiaire et nombre de leurs caractéristiques rappellent l’univers carcéral : grillages et concertinas, verrouillage électronique des portes, caméras de surveillance et tours de contrôle, régime de sanctions normalisatrices, cellules d’isolement, dossiers individuels, répartition des détenus dans un espace quadrillé, réglage minutieux de leur emploi du temps…” (8)
La Commission aux Droits de l’Homme de la Cour de Justice a publiquement annoncé sa préoccupation vis-à-vis du recours à des sanctions administratives équivalentes à des sanctions pénales. L’auteur du rapport traitant de la criminalisation administrative des personnes en séjour irrégulier annonçait à la presse « Il est difficile de justifier l’usage de lois pénales, puisque les infractions en matière de franchissement de frontières ne font pas de victimes » (9).
- Les personnes en centres fermés sont donc privées de liberté pour le seul crime d’avoir voulu voyager librement. Cet état de fait est particulièrement difficile à accepter pour eux/elles, et nombre de personnes tombent dans des états de dépression ou de folie suite à ces incarcérations. L’impression d’être emprisonnés comme des criminel(le)s ou d’être traitré(e)s comme des animaux revient souvent dans les conversations avec les détenus.
“Ici, chaque fois que tu essaies de parler, de faire quelque chose, de changer la situation pour le bien de tout le monde on te met la pression et on te dit “ demain c’est l’avion”. Il n’ y a pas de criminels ici, il n’y a personne ici qui ai fait quelque chose de grave pour l’Etat belge et pourtant on vit dans une situation vraiment inhumaine.” (Lire le témoignage)
“Moi, je n’arrive pas à comprendre ce qui se passe ici. Je n’ai rien fait, j’ai rien demandé, j’ai jamais commis un crime ici en Belgique, j’ai toujours essayé d’être bien”. (Lire le témoignage)
“Ce n’est pas un centre fermé ici, il y a trop de caméras, trop de gardiens… Comme à Guantanamo !” (Lire le témoignage)
“J’ai appris une chose ici : En tant que réfugié, tu n’ es pas le bienvenu en Europe. Ils te mettent en prison sans que tu aies commis de crime, ils te traitent sans aucun respect. …. » (Lire le témoignage)
- On constate que beaucoup de traitements dégradants sont utilisés, que ce soit pendant les arrestations, la détention, ou l’expulsion ( Voir le chapitre violence et expulsion)
“Je lui dit que j’aimerais juste dire à mon avocat que je suis dans cette situation. Et il me répond, ici c’est pas l’Amérique, c’est la Belgique. Et là il se tourne vers moi et me met des coups de poings. Je lui dis « Mais arrêtez qu’est-ce qu’il y a ? Je demande juste à appeler mon avocat ! » Mais il m’a mis des coups de poing et d’autres sont venus. Moi je leur disais : « Mais ça n’a pas de sens, pourquoi vous me battez pour rien ? » Et puis il m’ont mis les menottes et ils m’ont jeté dans la chambre.” (Lire le témoignage)
“Ici, c’est comme une prison. Pour quel crime m’a-t-on amenée ici ? Je n’ai tué personne, je n’ai rien volé. Tout ce que j’ai fait, c’est venir ici et introduire une demande d’asile. Si je voulais aller en prison, je ne me serais pas enfuie d’Iran et je serais allé en prison là-bas ! Je me suis attachée au radiateur pour me défendre. Ils m’ont frappée si fort sur la main que j’ai plein de bleus sur les doigts! Il y avait 10 personnes avec des gants, on m’a soulevée de terre comme on soulève un mouton ! Pouvez-vous imaginer?! On m’a jetée dans un camion de la police comme dans une cage ! A l’aéroport, j’ai embrassé la main de tous les policiers, personne ne m’a écoutée ! On m’a traitée comme un déchet !” (Lire le témoignage)
- La communication est souvent difficile avec l’extérieur. Les détenu(e)s sont méfiant(e)s car on les a souvent menacé(e)s de représailles s’ils/elles parlaient trop avec les gens de l’extérieur ou les journalistes. Ils/elles sont donc très prudents quand une nouvelle personne les appelle.
“Laissez-moi vous raconter l’histoire de ce gars qui a parlé à la presse il y a trois jours de cela en donnant son nom et son prénom. Il a été détenu en cellule d’isolement. Donc si je vous donne mon identité, ils vont me traiter comme en enfer ici. Je ne peux pas vous donner mon nom car ça me retombera dessus. C’est comme une prison ici.” (Lire le témoignage)
- Témoignages sur la question d’enfermement
“Comment tu peux supporter qu’on t’enferme, qu’on te dise ce que tu dois faire, comment tu dois te comporter… Non, non ! Même si tu n’es pas enfermé dans ta chambre 24h/24 comme en prison, que tu peux entrer et sortir, aller dans la salle de télé, dans le dortoir, d’une chambre à l’autre… Mais tu restes enfermé !” La question ce n’est même pas physique, c’est moral !” (Lire le témoignage)
“Vous pouvez comprendre que la prison, c’est la prison. Ça ne peut pas être une maison. Même s’ils nous nourrissaient avec une cuillère dorée, c’est insupportable ! Nous ne nous sentons pas bien !” (Lire le témoignage)
“A notre arrivée nous avons demandé l’asile et depuis nous sommes en prison. Nous n’avons vu aucune rue, personne. Nous n’avons vu que la prison.” (Lire le témoignage)
“Tous les centres fermés devraient être fermés. Il n’y a personne qui doit être enfermé parce qu’il n’a pas de titre de séjour ou de carte d’didentité ! Ce n’est pas légal que l’on puisse enfermer les gens qui n’ont pas d’identité, ou à cause de leur couleur de peau… C’est une discrimination raciale ! Ou fasciste !” (Lire le témoignage)
“Vous pouvez fermer les centres fermés s’il vous plaît ? Vous pouvez les fermer, et vous laissez les gens tranquilles ! Moi j’ai été là-bas, je vous le dis, ce n’est pas bon. Les gens qui sont restés là-bas, ils souffrent !” (Lire le témoignage)
“Je voudrais être libéré et pouvoir continuer ma route vers la Norvège. Si ce n’est pas possible, je souhaite retourner en territoire palestinien occupé, auprès de ma femme et de mes enfants. Je préfère encore retourner dans cet enfer plutôt que de rester emprisonné dans ce centre de détention.” (Lire le témoignage)
“Pour ma part, c’était la première fois que je faisais l’objet d’une privation de liberté. C’est très dur d’être privé de sa liberté. Nous avons l’occasion de défendre des gens qui sont en prison, mais nous ne nous rendons pas compte de la gravité que cela représente.
Dans le cadre de nos études, on dit généralement que la prison est criminogène. C’est inhumain et c’est dégradant en fait. Et on doit éviter le plus possible que les gens soient détenus. Etre dans un centre fermé, je le répète encore, c’est inhumain et c’est dégradant, c’est une violation des Droits de l’Homme !” (Lire le témoignage)
“Je n’ai jamais imaginé pouvoir aller en prison avant. Ma première détention est ici en Belgique. Mon ressenti c’est que j’avais l’impression d’être sous la terre, mon moral était très mauvais, mes cheveux sont devenus plus blancs qu’ils ne l’étaient avant. La prison est difficile, la prison tue, il y a des personnes qui pourrissent de l’emprisonnement. Celui qui est sain tombe malade et les raisons ne sont pas identifiables. Les centres fermés cultivent la haine parce qu’on se trouve en détention sans aucune raison et on reçoit des mauvais traitements sans aucune raison. De ce fait, toute personne qui quitte le centre fermé est imprégnée d’un sentiment de haine et a de mauvaises pensées.” (Lire le témoignage)
“C’est vraiment de la prison, même pire que la prison. Parce que les gens qui sont en prison, des fois on les libère, ils savent le nombre de jours qu’ils font et quand ils vont sortir. Mais ici, eux-mêmes ils disent que c’est une salle d’attente, on est là juste pour attendre qu’ils puissent nous expulser là où bon leur semble.” (Lire le témoignage)
“Je suis arrivée au centre fermé l’après midi. Il y avait beaucoup de monde. Il y avait beaucoup d’hommes, de femmes et d’enfants. J’avais très peur. Je n’étais jamais entrée dans un lieu comme celui-là, enfermée. Je ne savais pas ce qui allait se passer, ni combien de temps j’allais rester là.” (Lire le témoignage)
“Ce sont des prisons, ce sont vraiment des prisons, ce ne sont pas des centres fermés ! Si on dit que ce sont des centres, alors ça devrait être comme les centres de la Croix rouge. Mais ce sont des prisons. Vous êtes barricadés par des fers ! Ce sont des fers, pour passer là, on ouvre d’abord cette porte, pour passer là on ferme celle-ci et on ouvre l’autre. C’est une prison !” (Lire le témoignage)
(8) Du disciplinaire au sécuritaire – De la prison au centre fermé – de Matthlieu Bietlot
(9) La Libre Belgique, “Ne dites plus : illégaux”, 12 février 2010, http://www.lalibre.be/actu/international/article/560525/ne-dites-plus-illegaux.html [11/04/2010]