Des expulsions prévues vers la Guinée : complicité de l’ambassade

Depuis quelques jours, des personnes de nationalité guinéenne enfermées en centre fermé nous alertent d’expulsions prévues cette semaine vers la Guinée. Les tentatives d’expulsion dont on a connaissance étaient prévues du 22 au 27 septembre et concernent des personnes enfermées aux centres de Vottem, Bruges et Merksplas. 

Quand l’Office veut expulser une personne d’origine étrangère qui n’a pas de passeport, l’ambassade de son pays joue un rôle clef : c’est elle qui doit confirmer officiellement la nationalité de la personne et délivrer un laissez-passer (document de voyage qui remplace le passeport). Sans ce papier, l’expulsion ne peut théoriquement pas avoir lieu. En résumé, la possibilité d’expulser ou pas des personnes dépend des relations de la Belgique avec l’ambassade du pays concerné.

Ce n’est pas anodin que des expulsions soient prévues vers la Guinée. Il y a quelques mois encore, l’ambassade guinéenne déclarait qu’elle refuserait la délivrance de laissez-passer pour les personnes résidant en Belgique depuis plusieurs années, ayant établi des liens familiaux ici, ou encore présentant une vulnérabilité particulière. L’ambassade affirmait la nécessité d’une rencontre avec la personne concernée, pour un examen approfondi sur sa situation personnelle avant de prendre une décision pour le laissez-passer.

Aujourd’hui pourtant, l’annonce des vols se fait sans que les personnes concernées aient pu être entendues par l’ambassade sur leur situation particulière. L’Office des étrangers refuse également de transmettre des preuves de la délivrance de laissez-passer, aux personnes menacées d’expulsions ainsi qu’à leurs avocat·es. Dans le centre, les assistant·s social·es (qu’on nommera plutôt assistant·es au retour) auraient communiqué aux personnes qu’elles auraient accès aux laissez-passer seulement à leur arrivée à l’aéroport. Les détenus concernés sont inquiets, doutent de la véracité des documents, et craignent une expulsion collective vers la Guinée. Nombre d’entre eux ont une famille en Belgique et craignent la répression lors du retour en Guinée.

De nouveaux accords avec la Guinée 

Le mois dernier le ministre des affaires étrangères de la Guinée, Morissanda Kouyaté, visite Bruxelles et rencontre la ministre de l’asile et la migration, Anneleen van Bossuyt. Ensemble, les deux retissent des liens entre la Belgique et la Guinée pour s’accorder sur le rapatriement de personnes de nationalité guinéennes présentes “illégalement” en Belgique. 

“Nous avons besoin de nos ressources humaines. Nous ne voulons pas qu’elles partent, et celles qui sont parties, nous voulons les attirer pour qu’elles reviennent. Donc, on n’est pas un pays qui pousse ses citoyens à la migration illégale’.’ 

Morissanda Kouyaté

Les deux ministres s’alignent lors de cette rencontre  sur un même objectif : faciliter l’expulsion forcée des ressortissant·es guinéen·nes en centre fermé. Il nous semble donc clair que les expulsions prévues se font dans la continuité de ces accords. Malgré le discours contradictoire de l’ambassade guinéenne, le risque d’expulsions plus régulières vers la Guinée semble s’annoncer. Les tickets d’expulsion reçus cette semaine en sont la preuve : les accords politiques et diplomatiques de la Belgique avec les pays-tiers ont des conséquences directes et rapides sur les expulsions des personnes en centres fermés.

Depuis octobre 2024, des collectifs de personnes guinéennes et des activistes se mobilisent et manifestent devant l’ambassade de Guinée et devant l’Office des étrangers pour protester contre la délivrance de laissez-passer par l’ambassade. Depuis février 2025, plus aucuns laisser-passez n’avait plus été délivré par l’ambassade à notre connaissance. 

Le manque de transparence de la part de l’État belge et des autorités guinéennes sur la situation des ressortissant·es guinéen·nes en centre fermé est alarmant.

La plupart des détenus qui ont reçu des réservations de vol au cours de cette semaine ont pu heureusement refuser l’expulsions – car il n’y avait pas d’escorte prévue ! Mais nous craignons que cette première vague de réservations fasse partie d’une stratégie de l’OE pour pouvoir les déporter en masse lors d’une deuxième tentative – par vol commercial ou alors par un vol collectif – cette fois avec escorte ! 

Alors restons attentif-ves pour des éventuelles mobilisations ! 

À bas les frontières et les centres fermés. 

Liberté pour toustes.

https://www.gettingthevoiceout.org/rassemblement-de-protestation-devant-loffice-des-etrangers-ce-vendredi-10-janvier-de-11-heures-a-13-heures/

https://www.visionguinee.info/morissanda-kouyate-a-bruxelles-la-guinee-nest-pas-un-pays-qui-pousse-ses-citoyens-a-la-migration-illegale/?fbclid=IwY2xjawM99OtleHRuA2FlbQIxMQABHqLj7KNQ2IBuZH93SpLvV_mDfHWPWeT9TtglNieBEZSqa-aAKUyVbpN9DJ-K_aem_HoGmdcHY75c1KugiyNlouQ/

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