Update: P a été libéré sans raisons du centre fermé 127bis et continue sa route migratoire
Nous avons reçu récemment plusieurs témoignages de personnes devant être expulsées vers la Bulgarie, à cause de la loi Dublin (un.e demandeur.se d’asile doit être rapatrié.e dans le premier pays de l’espace Schengen où il/elle a mis les pieds).
Or, beaucoup d’informations existent concernant les traitements extrêmement violents réservés aux personnes d’origine étrangère dans ce pays et les conditions de vie dégradantes dans les centres pour demandeur.se.s d’asile.
Voici quelques témoignages recueillis par Human Rights Watch :
« Nous sommes traités comme des moins que rien. Ils sont très racistes. Ils crachent sur nous et nous traitent comme des animaux. Ce jour-là, tout a commencé quand un gardien a voulu qu’un homme se comporte comme un chien, mettant son plateau de nourriture sur le sol. Au début, c’était seulement les gardes locaux qui nous battaient, mais ensuite plus de 50 dont certains venus d’un village, en tenue civile. Ils m’ont frappé avec un bâton de police dans le dos. »
«J’ai été frappé dans les côtes et sur la poitrine. Beaucoup de personnes ont été blessées et n’ont pas été soignées. Un chef en civil est venu. Il a vu le problème, mais il était ivre. Je pouvais sentir l’alcool. Il a battu mon ami à l’estomac avec un bâton de police. Il l’a pris dans une pièce séparée pour le battre. Ils ne l’ont pas amené à l’hôpital. La police a brisé le bras d’un autre de mes amis. »
Vous pouvez lire d’autres témoignages en anglais et voir des photos des conditions de vie dans les centres ouverts pour demandeur.se d’asile ici :
http://www.hrw.org/node/124800/section/10
http://www.hrw.org/node/124800/section/11
Voici également le témoignage d’une personne prisonnière au centre fermé 127bis. Certaines informations viennent de discussions que nous avons eues au téléphone et de son témoignage audio que vous pouvez écouter ici :
Témoignage :
Psychologiquement on est déjà terrorisé parce qu’ils disent que c’est un centre fermé mais en fait c’est une prison.
L’après-midi on a deux heures pour rester dehors, et après on rentre dans nos cellules, c’est vraiment la prison. Je ne pensais pas que dans un pays qui se dit démocratique, on pouvait enfermer des gens comme des animaux sous prétexte que nous venons d’un autre pays.
Je suis entré en Bulgarie le 25, ils m’ont enregistré le 26. J’ai été arrêté à la frontière par des policiers bulgares. Puis j’ai eu une interview auprès des agents de Frontex, ils posaient des questions pour vérifier que j’étais bien Congolais.
Ils m’ont emmené dans ce qu’ils appellent un « centre fermé », mais c’est une prison. Je suis resté 2 mois. J’ai dû payer 100 euros à l’avocat, pour qu’il me trouve une adresse à Sofia.
Ils m’ont relâché et je suis allé à Sofia, je ne connaissais personne mais j’ai rencontré des Congolais et je me suis caché dans un centre social de Sofia.
A Sofia ils s’intéressaient beaucoup plus aux Syriens, donc je devais me démerder. Je me cachais. Quand il y avait des contrôles je me cachais dans les toilettes du centre social pour ne pas que les surveillants me mettent dehors.
Le 5 janvier, les policiers bulgares sont venus pour arrêter les noirs qui étaient dans le centre. J’ai eu de la chance parce que je me suis caché, ils ne m’ont pas vu. Les autres, ils les ont mis dehors, ils les ont tabassé et ils leurs crachaient dessus.
J’ai collecté les images et comme un de mes amis connaissait les gens de France 24. Et comme les journalistes voulaient que quelqu’un témoigne, je leur ai donné les éléments et ils m’ont interviewé par webcam. Si vous tapez sur votre ordinateur « le raid de la police bulgare sur les immigrés africains » vous verrez mon histoire et les images où on tapait les noirs.
Ces vidéos étaient en ligne mais elles ont disparu maintenant.
Après ces évènements, il y avait une avocate qui nous aidait, les gens de France 24 ont posé des questions et du coup les autorités ont cherché qui avait donné les images. Mon ami ivoirien qui avait des bonnes relations avec le commandant du centre m’a prévenu qu’il lui avait dit qu’il savait que c’était moi qui avait donné les images.
Je suis allé voir l’avocate qui m’a conseillé de quitter la Bulgarie parce qu’elle se doutait que ça se passerait mal. Je suis passé chez le pasteur bulgare qui m’a gardé chez lui en attendant que je quitte la Bulgarie pour la Serbie.
Moi je n’avais pas envie de quitter la Bulgarie, j’ai quitté la Bulgarie sous la contrainte.
Vous pouvez voir l’article de France 24 ici :
http://observers.france24.com/fr/content/20140213-africains-migrants-police-raid-bulgarie-refugie-centre-asile
Et maintenant ils veulent te ramener en Bulgarie ?
C’est ça, je crains vraiment pour ma vie. J’ai contacté la journaliste de France 24, elle a contacté le commissariat général aux réfugiés, elle a fait un témoignage comme quoi c’est bien moi qui ai fait cette interview et les images donc quand je vais retourner en Bulgarie je vais faire de la prison.
En fait je suis allé d’abord à l’office pour faire une demande d’asile, j’ai fait mes empruntes, et le jour où ils devaient me donner normalement la réponse de mes empreintes et faire l’interview, c’est le jour où j’ai été emprisonné. Ils m’ont juste dit, on vient de voir que tu es passé par la Bulgarie, mais tu es de nationalité congolaise, comment es tu arrivé en Bulgarie ?
J’ai dit qu’on m’avait fait quitter le Congo parce que je suis le fils d’un ancien capitaine qui était au nord du Kivu, donc ils m’ont fait quitter le Congo et c’est là que je suis arrivé en Turquie. Et les amis de mon père sont venus à Istanboul pour me faire traverser l’Europe vers la Bulgarie. C’est là que j’ai été arrêté. J’ai fait de la prison là-bas 3 mois, et ensuite ils m’ont libéré.
J’ai expliqué tout cela aux gens de l’office et ils m’ont dit : « ok, c’est pas grave, la Belgique a signé des accords, donc tu vas être dans un centre fermé en attendant de voir si la Bulgarie te veut »
Ce qui est grave aussi, c’est que les Bulgares ont menti sur mon dossier. J’étais en Bulgarie depuis le 26 septembre 2013. Mais les Bulgares ont envoyé des informations à l’immigration belge comme quoi j’étais entré en Bulgarie le 4 avril 2014. En réalité je suis entré en Bulgarie le 25 septembre 2013 et on m’a fait les empreintes le 26. Donc tout ce que je voulais faire, c’était montrer à tout le monde que la démocratie et les droits de l’Homme que l’Union européenne prône, c’est pas vraiment ça dans tous les pays de l’Union européenne. Y’a les pays qui traitent les gens comme des animaux, surtout les Africains, en Bulgarie on est considéré comme des animaux, c’est malheureux. On est trahi par la couleur de notre peau.
Moi personnellement, ce n’est pas comme ça que j’imaginais les droits de l’Homme, c’est vraiment le contraire de ce que je vis ici.
L’avenir pour moi est incertain, je ne sais pas où je pourrai faire des demandes pour être reconnu. C’est la parole d’un Africain contre la parole des Bulgares qui sont des blancs. J’ai de plus en plus peur pour ma pauvre vie.
Ce que je veux c’est que les gens connaissent la vérité, mais cette vérité se retourne contre moi.
Pour eux, je ne vaux rien parce que je suis africain, on est moins que des chiens à leurs yeux. On se promenait toujours à 2 ou à 3 de peur d’être tabassés. Je sais que c’est la prison qui m’attend, je ne peux pas faire une année de prison pour rien !
Moi je préfère retourner au Congo que retourner en Bulgarie !
De plus, je suis malade, j’ai fait plus de 7 mois en Bulgarie, sans soins. En Belgique, je me suis fait opérer d’un Anite Hémorroïdaire grade 3. Et je devais subir une deuxième opération en Belgique mais le médecin du centre dit que je ne peux pas me faire opérer parce que je dois passer plusieurs semaines à l’hôpital. Je saigne tous les jours quand je vais aux toilettes. Ils disent qu’ils ne peuvent rien faire. J’ai toutes les preuves que j’avais rendez-vous pour l’opération. Et en Bulgarie ils ne vont rien faire. Je préfère aller mourir au Congo qu’ici.
Vous pouvez voir l’article de France 24 ici :
http://observers.france24.com/fr/content/20140213-africains-migrants-police-raid-bulgarie-refugie-centre-asile