Témoignage d’un homme emprisonné au centre fermé 127bis. Il est en Belgique depuis 7 ans et a participé à plusieurs mouvements de luttes de personnes “sans-papiers”
Je vis depuis 7 ans à Bruxelles ok
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Moi je pense que l’immigration est devenue une arme politique. Je pense que ceux qui diabolisent l’immigration ou les immigrés n’ignorent pas qu’Obama, par exemple, est un fils d’immigré, que Sarkozy l’est lui aussi comme Elio Di Rupo. On veut nous faire croire le contraire. On nous dit que nous sommes dans un état de droit.
J’ai vécu 7 ans à Bruxelles. J’étais là quand il y a eu les grèves de la faim au Béguinage. Ils ont eu leurs papiers. À l’église Saint Boniface, place Saint Catherine, j’étais là et ils ont eu leurs papiers. Dans les églises de Saint-Gilles ou Forest, il y a eu plein de régularisations suite à des grèves de la faim, j’étais là aussi.
Moi j’ai déposé une demande de régularisation pour laquelle je respectais tous les critères. Après avoir été reçue comme favorable, elle a été finalement négative. C’est donc en connaissance de cause que je dis tout ça.
Ça fait combien de temps que vous êtes dans le centre alors?
Je suis dans le centre depuis le 17 mars. Ils sont venu frapper à la porte alors que j’étais parti rendre visite à un ami. Apparemment, ils cherchaient une autre personne. Ils ont alors demandé son nom à mon ami puis ils ont procédé au contrôle des identités. Ils ont appelé le service d’immigration pour vérifier. Ils m’ont ensuite demandé si j’étais légal sur le territoire belge et j’ai répondu que j’étais en attente, que j’avais introduit une demande et que j’attendais la réponse. Ils m’ont dit que cela ne justifiait pas mon séjour en Belgique, alors ils m’ont arrêté. Ils m’ont amené à la police où j’ai été enfermé pour passer la nuit. Ensuite, j’ai été transféré au 127 le lendemain. J’ai pris un avocat. Il a introduit un recours qui a été négatif, puis un contentieux, lui aussi négatif. Alors il m’a conseillé de tout arrêter parce que ça ne servait plus à rien.
Pour la régularisation de 2009, j’étais vraiment dans les critères. Mes études me permettaient de prouver que j’étais sur le territoire belge. J’ai des amis qui ont témoigné, plus de 60 personnes, tous des belges. J’avais trouvé un employeur qui m’avait fait un contrat de travail. Mon dossier avait été accepté, j’ai même été à la commune pour récupérer ma carte. Mais à chaque fois que j’allais à la commune, ils me faisaient attendre, vérifiaient sur l’ordinateur pour me dire que c’était positif et qu’ils allaient m’envoyer une convocation. Pendant une année, j’ai attendu mais je n’ai jamais reçu de convocation. J’avais quand même reçu mon permis de travail, mais un jour, j’ai reçu une lettre me disant qu’on me le retirait. Je n’avais plus d’employeur. Je ne sais pas s’il a fait faillite ou autre chose mais l’importance était que je n’avais plus de permis de travail.
Et vous avez subi combien de tentative d’expulsion?
À ce moment, j’attends la troisième. La première c’était un vol militaire, il y a eu un problème technique et le vol a été annulé. La deuxième c’était le vendredi, j’étais sur la liste comme réserviste, au cas où un titulaire ne partait pas.
Et vous étiez beaucoup de réservistes?
5 réservistes. C’est toujours le même scénario. On vient nous chercher la veille, vers 17h, juste avant d’aller manger. On nous appelle et on a donc plus accès à rien. On nous dit que tu as un vol le lendemain et on nous met en isolement.
Et là les autres sont partis?
Oui, les autres sont partis. Un camion, puis l’avion. Ils sont probablement attachés dans l’avion puisque c’est un avion militaire.
Ils étaient beaucoup?
Oui, 10.
Et ils n’ont pas résisté?
Et bien les militaires sont plus nombreux qu’eux. Et puis, une fois attaché, tu ne peux pas grand-chose. Tu peux rapidement être brutalisé. Je connais quelqu’un qui s’est retrouvé à l’hôpital parce qu’il avait résisté. C’est difficile parce qu’après 7 ans à Bruxelles, on me fait arrêtér du jour au lendemain pour être expulsé. Je ne suis pas préparé moralement, psychologiquement à être ramené en Afrique. Tu vois ce que ça fait?
Moi j’ai vécu 7 ans à Bruxelles donc le moral dépend de chaque détenu.
Vous pensez qu’ils vont préparer d’autres vols collectifs? comment ça se passe?
Oui il y a un vol collectif au mois de juin. Dès la semaine qui suit, les vols vont reprendre. Si tu n’acceptes pas de partir avec un vol touristique, tu attendras pour partir avec un vol militaire.
Dans tous les cas vous serez expulsé?
Oui. C’est ça. Il faut faire passer le message. En ce temps de crise, les expulsions, ça coûte tellement cher. C’est de l’argent qui vient des aides sociales, c’est l’argent de l’état. On expulse des gens qui ne touchent rien du système mais on met de l’argent pour les expulser, je ne comprends pas. Ça ne va pas. Ici il n’y a pas les droits de l’homme.