16 décembre 2011 : Deuxième témoignage de cet homme (Ecouter le premier témoignage). Il a été transféré au centre de Bruges. Il vient de subir sa sixième tentative d’expulsion et a été placé en isolement
Écouter le témoignage :
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Vous êtes toujours au cachot pour l’instant?
Oui je suis toujours au cachot.
C’était quand, c’était hier qu’ils vous ont expulsé?
Oui, à 11h30 ils sont venus me dire : “Jacques, il faut rassembler tous tes biens et puis tu peux aller voir l’assistant social”. Je suis allé voir l’assistant social et il m’a dit: “Jacques, tu prends tes bagages, tu vas à l’aéroport, bye bye!”
Ca c’était hier?
Ca c’était hier. Et en cours de route, j’ai eu vraiment besoin de faire pipi mais ils n’ont pas voulu, il fallait attendre parce qu’on allait arriver à l’aéroport. Je les ai suppliés, j’ai même un peu pissé dans mon pantalon pour ne pas tout garder. Tellement j’ai insisté, ils ont cherché un poste de police pour que je puisse aller pisser. Je suis rentré là-bas menotté avec 5 à 6 policiers, je suis allé pisser, et puis directement je suis rentré dans la voiture jusqu’à l’aéroport, directement jusqu’à la cellule d’isolement. Ils m’ont fait enlever le pantalon et ils m’ont mis une couche.
Ils vous ont mis une couche?
Oui, vraiment ils m’ont mis ça comme un gros bébé, ça m’a fait trop mal. A un moment donné les Marocains sont venus dans la cellule, ils ont amené du scotch. ils m’ont menotté puis ils ont commencé à me scotcher, tout d’abord les mains ; les mains croisées, il n’y avait pas moyen de bouger. Puis ils m’ont fait marcher jusqu’à la voiture, il fallait attendre au moins 40 minutes pour aller à l’avion.
Pendant 40 minutes vous êtes resté avec les mains attachées?
Je suis resté les mains attachées pendant plus de 40 minutes. Ce sont des policiers marocains qui ont amené ça. Ils ont donné ça aux policiers belges pour m’attacher. Ils m’ont scotché les genoux, les pieds, les bras… vraiment c’était trop dur. Ils m’ont porté comme un chien. Ils m’ont renversé la tête et les mains en bas, et les pieds en haut, il n’y avait pas moyen de bouger. Je ne criais pas moi-même tellement j’étais émotionné.
Vous pouviez parler?
Oui je pouvais parler mais avec toute l’émotion je n’arrivais pas à crier.
Ils m’ont fait asseoir par la force et à ce moment là j’ai essayé un peu de bouger.Ils m’ont dit “qu’est-ce qu’il y a?” J’ai dit : Comment vous me traitez? Vraiment vous me traitez comme un criminel ! Au moment où ils ont fini leur opération, les policiers belges sont descendus.
Vous étiez assis entre deux policiers marocains?
Oui, et un des Marocains me disait : « Tu vas partir, tu veux ou tu veux pas, tu vas partir et quand tu arrives là-bas tu vas voir ce qu’on va te faire !», il y en avait un qui était agent d’Air Maroc, il n’y avait vraiment pas moyen. Donc j’ai crié très très fort, j’ai fait tout mon possible pour avoir une petit place, et quand j’ai bougé très fort et avec les cris, les scotch ont commencé à souffrir, tellement j’ai crié, crié, crié “vous m’amenez au Maroc pour me faire quoi? je serai en prison, ils vont me faire comme ci comme ça, et ils m’on’t dit: “oh faut pas dire comme ça!”
Ah vous étiez en train de crier ce qu’ils vous avaient dit, qu’ils allaient vous mettre en prison au Maroc, et il y avait des passagers dans l’avion à ce moment-là?
Ils rentraient à ce moment là, tout le monde était debout, derrière, ils regardaient, Ils ne comprenaient pas, ils ont appelé des policiers belges pour venir les faire sortir. Environ 40 minutes se sont passées comme ça dans l’avion.
Le commandant de bord n’a rien dit?
Il ne disait rien.
Et les passagers ?
Les passagers étaient tous debout, ils me regardaient mais ne disaient rien.
Et après ils vous ont ramené à Bruges tranquillement?
Oui, je suis arrivé depuis hier à 20h30. Nous sommes déjà l’après-midi, je n’ai vu personne. Mes mains sont gonflées… J’ai demandé la permission de voir l’infirmière pour qu’elle me donne une petite pommade, et l’infirmière ne vient pas…
Bon, et moralement ça ne va pas trop là?
C’est dur de rester dans ce genre de condition et surtout ce qui me dérange beaucoup c’est ma destination, le Maroc.
Parce qu’ils ont vous dit qu’ils allaient vous faire mal là bas?
Bien sûr, c’est ce qu’ils ont promis!
Vous vous imaginez encore pouvoir résister à une expulsion comme ça?
Vraiment c’est trop dur, c’est trop dur je vous dis, je n’ai pas dit que non, je peux résister, mais c’est trop dur.