Audio : Ils nous donnent des choses à manger pour qu’on soit calme ! (FR)

25 juin 2011 – Témoignage d’un détenu par téléphone lors d’une action devant le centre fermé de Bruges

Écouter le témoignage :

ils-nous-donnent-des-choses-c3a0-manger-pour-quon-soit-calme

– Est-ce que vous pouvez me dire depuis quand vous êtes en centre fermé ?

Ca fait 1 mois à Merksplas et 1 mois à Bruges. 2 mois.

– Comment vous ont-ils arrêté ?

Ils m’ont arrêté dans la rue.

– Dans la rue comme ça ?

Oui, à Anvers.

– Et pourquoi vous ont-ils transféré de Merksplas à Bruges ?

Parce que ça faisait longtemps que j’étais là-bas. A Merkspla,s on a arrêté de manger pendant une semaine. Après, ils nous ont dit que moi et les autres (32 personnes), nous serions transférés.

– Et vous m’avez dit qu’ils veulent vous expulser demain c’est ça ?

Oui. A 6 heures du matin. Le vol est à 10h.

– C’est la première fois qu’ils vont vous expulser ?

Oui, c’est la première fois, mais c’est la deuxième fois en centre fermé. A Merksplas et maintenant à Bruges.

– Vous savez que vous avez le droit de refuser demain ?

Oui je sais ça et demain je vais refuser.

– Est-ce que vous pouvez me dire ce que vous faisiez en Belgique et si vous avez de la famille ?

Oui j’ai 2 enfants.

– En Belgique ?

Oui. J’étais bien intégré. Avant, je jouais au football. Et puis une fois, quand je suis allé à la commune, ils m’ont dit que mon asile était fini. C’était en 2004… non, en 2007. Depuis je suis illégal.

– Et vos enfants aussi sont illégaux ?

Non, ce sont des enfants belges. Leur maman est belge.

– Et vous n’êtes pas mariés ?

Non.

– Vous avez un avocat ?

Oui, j’ai un avocat.

– Et il ne peut rien faire pour vous ?

Pour le moment, il n’y a aucune solution pour me faire libérer.

– Est-ce que vous pouvez nous dire comment c’est à l’intérieur du centre ?

C’est bizarre à vivre. On dort avec des gens qui ont des maladies comme la tuberculose, le TDC. On ne dort pas comme il faut. On est au moins 30 personnes dans une chambre. On a droit à aller dehors seulement 2 heures par jour. On ne prend pas de douche tous les jours, seulement une fois par semaine.

– Et il y a des femmes avec vous ?

Oui, mais elles sont dans un autre bloc.

– Et comment ça va le moral, depuis 2 mois ?

Ca ne va pas, parce que je pense à ma famille qui est dehors, à la maison. Je vais tout perdre. J’ai parlé avec le propriétaire et il m’a dit qu’il ne peut plus attendre. 2 mois c’est trop, il doit mettre toutes mes affaires dehors.

– Et votre femme et vos enfants sont venus vous voir ?

Une fois à Merksplas.

– Ils ont quels âges vos enfants ?

7 ans et 4 ans.

– Est-ce que vous voulez dire autre chose par rapport à la situation à l’intérieur ?

Ici, on ne traite pas les gens comme il faut. Et puis, on nous donne des choses à manger pour qu’on se calme, c’est comme de la drogue.

– Ils vous donnent des choses pour vous calmer ?

Oui ils mettent ça dans la nourriture. Du coup dés que tu mange, tu deviens calme, tu dors tout le temps. Tu es assommé.  Ton corps devient faible. Je pense qu’ils mettent ça dans une soupe ou dans un pain. Dés que tu prends ça tu deviens calme.

– Y a-t-il des gens qui se sont fait expulser ?

Oui, je pense qu’il y a 7 ou 5 personnes. Des pakistanais, des serbes et d’autres du Ghana.

– Qu’est ce qui c’est passé quand vous avez fait la grève de la faim ?

On est resté pendant une semaine, ensuite ils nous ont amené les policiers normaux, la police fédérale. Ils sont rentrés avec des chiens avec des gazs lacrymogènes. Ils nous ont menottés et nous ont mis en cellule, comme des petites prisons. On y est resté une semaine de plus et puis ils ont transféré tout le monde.

– C’était violent ?

Oui très violent. Ils m’ont menotté. J’ai des cicatrices dans la main. J’ai reçu des coups dans la bouche, j’étais blessé. J’avais du sang dans mon œil. Mais eux ils s’en foutent. Ils disent que c’est rien. Tu es illégal, tu es illégal !

– Donc vous allez résister demain pour l’expulsion ?

Oui demain normalement je ne dois pas partir. J’ai déjà dit à madame la directrice que demain je ne peux pas partir parce que je n’ai aucun laissez passer puisque que mon ambassade a refusé de le donner.

– Alors normalement vous allez pouvoir refuser. Est-ce qu’on peut vous appeler demain ou après demain pour vous demander comment ça s’est passé et ce qui va se passer après ?

Ok, il n’y a pas de problème, sans soucis.

– Vous avez de la famille que vous voulez que l’on contacte ?

Oui, mais pas pour le moment. Ce serait mieux que vous veniez ici me rendre une visite parce que je ne sais pas très bien avec qui je parle.

– Ok très bien. On va voir si on peut trouver quelqu’un qui peut faire une visite pour vous. On va d’abord attendre le résultat demain et je vous rappelle. Ca va ?

Oui pas de problème.

– Donc vous avez un avocat qui s’occupe de vous ?

Oui mais mon avocat il a laissé tomber pour le moment, il ne m’appelle même plus.

– En tout cas je vous appelle demain.

Ok.

– Bon courage pour demain.

Merci Madame.

– A bientôt au revoir.

Le lendemain, nous avons rappelé et le surlendemain aussi. Il n’a jamais répondu. Son avocat ne veut rien dire : « secret professionnel »… Cet homme avait pourtant le droit de refuser d’être expulsé…

Ce contenu a été publié dans Témoignages, Témoignages audio. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.