Je vois un homme qui est mort devant moi…

20 février 2012 – témoignage par téléphone depuis le Centre fermé 127bis

Écouter l’interview (FR) :

Je vois un homme qui est mort devant moi

Fichier à télécharger (clic droit – enregistrer sous)

Allo?

Moi demain je vais partir.

Demain ? pourquoi, ils vous expulsent ou quoi ?

Je leur ai ramené mon passeport et je vais partir.

Vous en avez marre ou quoi ?

Parce que moi [je suis] marocain, imagine j’ai des empreintes là-bas en Hollande tu vois ?

En Hollande ?

Oui en Hollande, ils m’ont dit « on va t’envoyer en Hollande parce que tu as déjà été là-bas », j’ai les empreintes ici, mais j’ai donné un faux nom en Hollande. Et soit je donne mon vrai nom ici en Belgique, « ou tu dois aller en Hollande ». J’ai dit non, parce que là-bas tu vas passer au moins 10 mois de centre.

Donc là ils vous renvoient en Hollande demain ?

Non non, moi j’ai pris la décision, j’ai ramené mon passeport, j’ai dit que je ne veux pas aller en Hollande et que je veux partir au Maroc.

D’accord, donc du coup, demain ils vous renvoient au Maroc et vous allez prendre l’avion tranquillement…

Oui. Volontairement.

Bon, c’est mieux que la violence dans l’avion et tout…

Oui, toutes les bagarres… oui. En fait, je vais essayer de t’expliquer, il est là avec moi.

Expliquez-moi à la limite et vous pourrez traduire ce qu’il dit.

Oui, ça va. (…) Qu’est-ce qu’il s’est passé hier ?

(…)

Il a eu une grande douleur dans son cœur en fait, il a vraiment senti des douleurs. Il n’a même pas pu bouger de son lit.

Mais donc ce qu’il a eu hier, vous m’avez dit, il a fait une crise cardiaque ?

Presque. Ca a été une crise cardiaque en fait.

Il a fait une crise cardiaque ? Vous me racontiez hier comment ca s’est passé pour vous au moment où il a fait sa crise cardiaque parce que vous me disiez que les médecins ne voulaient pas…

Exactement, j’étais vraiment avec. Ils m’on dit « pourquoi tu parles beaucoup si c’est pas toi ? », j’ai dit « c’est normal que je parle, je vois un homme qui est mort devant moi, et vous êtes à 4 ici, 5 ou 6 sécurité avec le médecin du centre, et vous faites rien, vous faites rien…». En fait ils sont en train de rigoler. Je te jure, ils sont en train de rigoler. C’est comme si il ne s’était rien passé. Et après je leur ai dit « écoutez, moi je vais parler… »

Donc il était en train de faire une crise cardiaque et le médecin et les gardiens étaient en train de le regarder et ils rigolaient, ils ne faisaient rien ?

Oui, exactement. Comme je t’ai dit. Même le médecin il n’est pas monté dans sa chambre tu vois.

Il croyait que c’était une blague ?

Exactement, il croyait que c’était une blague. Il était vraiment mal, t’imagine même pas. Sa couleur elle était changée…

Donc c’est quand les autres ont commencé à gueuler avec vous qu’ils ont appelé l’ambulance ?

Exactement.

Et après comment ca s’est passé ? Ils ont dû attendre combien de temps ?

On a dû attendre une heure.

Vous avez attendu une heure avant qu’ils préviennent une ambulance ?

Voilà exactement. Ils l’ont ramené à l’hôpital. Premièrement, les responsables d’ici n’ont pas voulu qu’il sorte. Mais les hommes de l’ambulance ont dit qu’il doit vraiment aller à l’hôpital. Il l’ont pris 3 heures dans l’hôpital.

Il est resté 3 heures dans l’hôpital ?

Quant il sort, il a dit qu’il allait faire un rapport sur sa situation de santé. Il a demandé si son rapport il pouvait l’envoyer par fax pour exemple à son avocat. Le médecin a dit que oui. Ils ont rien donné de médicaments pour le moment. Il sent encore la faiblesse, le choc de ce qu’il a passé hier.

Et là le monsieur il est revenu et ça va mieux ?

Oui, ça va un petit peu mieux mais la fatigue se lit encore sur son visage.

Le médecin du centre ne fait pas grand-chose pour vous aider…

Voilà, exactement.

Et il a essayé de porter plainte avec son avocat ou pas ?

Non, je vais le voir après, s’il va essayer de faire ça.

Parce que, si jamais vous avez vraiment attendu longtemps, sans qu’ils préviennent quelqu’un, vous pouvez déposer plainte dans les 5 jours devant la commission des plaintes. Donc il faut qu’il voie ça avec son avocat.

Oui.

D’accord ?

Mais ça va être pire pour lui, parce que si tu déposes plainte contre eux

directement ils vont te faire quelque chose de mal.

Je vais en parler avec des gens, mais bon il faut qu’il voie avec son avocat pour faire ce qui est le mieux.

Qu’il connaisse ce qu’il se passe ici au centre fermé exactement. Je compte sur vous.

Courage pour rentrer en tout cas.

Oui, comme ça je vais voir ma mère et tout…

Au revoir.

Au revoir.

Ce contenu a été publié dans Témoignages. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.