15 mars 2011 : Témoignage par téléphone d’un homme d’origine pakistanaise, détenu au centre fermé de Merksplas.
Écouter le témoignage (Ang) :
Je vous parle depuis le centre fermé de Vottem. Cela fait 20 jours que je suis là
Nous étions 130 personnes vivant à Bruxelles. En 2009, nous avons demandé la régularisation, comme la loi le permettait.
Nous avons donné des contrats de travail. La plupart d’entre nous entraient dans la catégorie 2.8B qui stipule que l’on doit avoir un contrat de travail, avec un salaire minimum de 1380 euros. Donc, nous avons fourni les contrats. Certaines personnes avaient des salaires plus hauts, comme 1400 euros…
– Vous aviez tous des promesses de contrats ?
Non, ce n’était pas des promesses, c’était des contrats de travail ! Donc, nous les avons donné avec nos dossiers de régularisation à l’office des étrangers.
Après plus de 10 mois, j’ai reçu une réponse négative, juste parce que mon salaire était inférieur de 7 euros au salaire demandé ! Donc ici, dans le centre fermé, il y a 4 ou 5 personnes qui ont reçu la même réponse. Ils nous ont refusé la régularisation juste pour 7 euros !
Ce n’est pas compréhensible ! C’est une politique inhumaine !
Donc à cause de tous ces problèmes, et parce que beaucoup de mes amis n’avaient pas reçu leur décision, nous nous sommes regroupés pour occuper et pour manifester contre cette politique inhumaine !
Le 17 février, nous avons manifesté devant le bureau du ministre de l’immigration, Mr. Whatelet. Quatre personnes ont été reçues et ont donné la liste des personnes qui s’étaient regroupées.
Plus tard, ils ont pris une décision inhumaine, donc nous avons décidé de commencer une grève de la faim. Directement, la police est venue, ils nous ont brutalement sortis de là et nous ont amenés au centre fermé ! 10 personnes sont ici, à Vottem, et 7 personnes sont à Bruges.
Nous avons fait appel contre cet emprisonnement. Depuis, une seule personne a été relâchée et toutes les personnes qui sont passées devant la cour ont obtenu une décision positive. Mais à chaque fois l’administration a fait appel sur cette décision ! Donc nous sommes toujours à l’intérieur et nous subissons une très dure punition ! Ce n’est pas supportable !
– Depuis combien de temps êtes-vous dans le centre ?
Depuis le 24 février. Donc ça fait 20 jours.
– Comment est-ce à l’intérieur ?
Vous pouvez comprendre que la prison, c’est la prison. Ça ne peut pas être une maison. Même s’ils nous nourrissaient avec une cuillère dorée, c’est insupportable ! Nous ne nous sentons pas bien ! Nous vous demandons de nous aider ! Nous avons même déposé un nouveau dossier et des nouveaux contrats de travail avec des plus hauts salaires !
J’ai déposé un contrat de travail avec 1444 euros de salaire. Je l’ai donné à mon avocat qui l’a soumis au ministère, mais ils ne donnent pas de réponses.
Pour le moment je m’attends juste à mon expulsion. Je ne sais pas ce qu’il va se passer !
– Vous pensez qu’ils vont vous expulser ?
Oui bien sûr, ils nous enchaînent ici pour nous expulser.
– Est ce que vous pensez que c’est parce que vous avez commencé une grève de la faim qu’ils sont si durs avec vous ?
Oui, mais nous n’avons manifesté que pour notre droit de travailler ici ! Nous avions donné les contrats de travail ! Et nous attendions depuis un an ! Quand est-ce que nous allions commencer à travailler ?
Ce n’est pas facile de rester ici illégalement sans travail !
– Et psychologiquement, comment vous sentez-vous ?
Très mal, c’est un centre d’expulsion, nous avons toujours peur de nous faire expulser. Qu’est ce que je vais penser de la Belgique ou de la justice de ce pays ou des droits de l’homme, si je suis expulsé seulement pour une histoire de 7 euros ?
Ok, ils vont me renvoyer au Pakistan, mais quelle image je vais garder ?
Par exemple, je suis ici depuis 20 jours, et chaque jour le coût pour ma détention est de 100 euros ! Pour me garder enfermé ! Et d’un autre côté je leur ai donné un contrat de travail et ils l’ont refusé pour 7euros !
– Vous voulez dire autre chose à propos des centres fermés ?
C’est insupportable ici, c’est une prison ! Vous savez nous sommes illégaux et nous sommes depuis 4 ou 5 ans en Europe ! Nous étions déjà angoissés, mais ici, c’est encore pire, c’est vraiment très dur !
Le 21 avril, nous avons eu ce monsieur au téléphone. Il était en Italie avec un ordre de quitter le territoire dans les cinq jours. Après deux mois de détention en Belgique, ils l’avaient expulsé vers le premier pays européen où il y avait eu une trace de son passage. Il avait refusé sa première expulsion, mais devant la pression s’était par la suite résigné.
À ce jour, encore une dizaine de ses camarades étaient toujours enfermés en Belgique, et venaient de recevoir une prolongation de leur détention pour deux mois, de la part de l’office des étrangers.