La réalité de vie dans les centres fermés.

Il faut savoir qu’il n’y a pas de réglement homogène qui régisse la vie  dans les centres fermés en Belgique. Ce sont des  réglements intérieurs,  très différents d’un centre à l’autre, qui  établissent les règles. Ceci créé une gradation entre la dureté des conditions de détention, et donc un sentiment de punition chez les  détenu(e)s quand ils sont transféré(e)s  d’un centre “plus humain” vers un  centre “plus dur”. Vottem est le centre réputé le “plus facile” alors que Bruges et Merksplas sont les lieux de “punition” (voir résumé par centre).

Centre fermé de Vottem :

” Ce que je trouve bien à Vottem, c’est qu’ils ne font pas la séparation entre les prisonniers et le personnel. À midi, tout le monde mange ensemble, donc si tu as quelque chose à dire, tu peux le dire directement à table. Je ne ratais pas cette occasion, je vous assure !” (Il rigole)

“Dans   les dortoirs, on est 2, 3 ou 4. On n’est pas à 16 ou à 20 comme à  Bruges. Tu peux entrer et sortir de la chambre quand tu veux. Tout ça  c’est Vottem. Tu sors 3 fois par jour pendant l’été et 2 fois pendant  l’hiver, pendant des périodes assez larges. Tu peux te défouler, courir,  jouer au foot, jouer au basket… 

Mais même si tu n’es pas enfermé dans ta chambre 24h/24 comme en prison, que tu peux entrer et sortir, aller dans la salle de télé, dans le dortoir, d’une chambre à l’autre…  tu restes enfermé !” 

Centre fermé de Bruges :

“À 7h, debout, et tout le monde dehors ! Dans le dortoir, il y a de 20 personnes à parfois 40 personnes. Les cours sont beaucoup plus petites !  Le salon convivial est beaucoup plus petit ! C’est horrible Bruges…   HORRIBLE !” Témoignage

La  nourriture :

Les détenu(e)s se plaignent en permanence de la pauvreté de la nourriture. De plus, beaucoup ne prennent que leur petit déjeuner car ils/elles ont l’impression que des médicaments sont mis dans le repas du midi et du soir, ce qui provoque des somnolences. Ils/elles parlent souvent de l’impression d’être drogué(e)s à leur insu.

“Ce qu’on nous donne à manger, c’est tout bonnement catastrophique. La nourriture est insuffisante, tant en quantité qu’en qualité. Il y a des gens qui ont perdu beaucoup de poids ici, c’est la misère.” Témoignage

“C’est  grave, la situation pour la nourriture c’est grave. Ce n’est pas suffisant. Imaginez-vous que le meilleur plat ici, c’est du riz, du riz tout seul ! Il y a des gens qui ont fait des grèves de la faim, ils sont allés au cachot, mais ça ne change rien aux faits !” Témoignage

Ici, on ne traite pas les gens comme il faut. Et puis, on nous donne des choses à manger pour qu’on se calme, c’est comme de la drogue. Témoignage

“Ils m’ont tout pris. J’avais cinq cent dollars et deux cent euros et de la monnaie. Ils ont tout pris et m’ont laissé avec vingt-cinq cents. Ils ne nous traitent pas comme des êtres humains. On ne peut rien acheter, du chocolat ou des cigarettes ou du soda.” Témoignage

“La nourriture c’est la catastrophe. Moi ça fait presque 40 jours que je n’ai pas mangé. Je mange seulement le matin. La collation du matin, je la partage en trois.  La plupart des gens font ça. Ils prennent que le petit déjeuner et le  partagent pour la journée. Ils vivent avec le petit déjeuner, avec de la  confiture et du beurre. Si tu manges tu dors direct. Tu vas dormir direct. Tu bois du café, tu vas direct dormir. Il y a des jours tu ne  trouves personne dehors.” Témoignage/

“Ici, on ne traite pas les gens comme il faut. Et puis, on nous donne des  choses à manger pour qu’on se calme, c’est comme de la drogue. Ils mettent ça dans la nourriture. Du coup, dès que tu manges, tu deviens calme, tu dors tout le temps. Tu es assommé. Ton corps devient faible. Je pense qu’ils mettent ça dans une soupe ou dans un pain.” Témoignage

Le manque d’intimité :

Les chambres et dortoirs, ainsi que les détenu(e)s eux/elles-mêmes sont régulièrement fouillé(e)s. Le droit de visite est très limité (voire inexistant aux centres INAD).

Lors des expulsions, les détenu(e)s sont régulièrement déshabillé(e)s, laissés nu(e)s pendant une longue période et fouillé(e)s intimement, ceci dans le but de les impressionner pour le départ.

“On est au moins 30 personnes dans une chambre. On a le droit d’aller dehors seulement 2 heures par jour. On ne prend pas de douche tous les jours, seulement une fois par semaine.” Témoignage

“A  onze heures du soir ils nous enferment dans nos chambres, on ne peut plus sortir. On n’a même pas le droit de prendre une douche. On n’arrive pas à dormir et on ne peut rien faire. Au matin on a le droit de prendre une douche et de descendre. Puis à la fin de la journée on doit remonter dans nos chambres et c’est comme ça jour après jour, tous les jours.” Témoignage

“L’intimité, déjà très limitée dans les logements, cède encore le pas devant le souci sécuritaire qui nécessite aux yeux des directions une possibilité de contrôle permanent et donc l’absence de rideaux, les fouilles et l’irruption spontanée des membres du personnel dans les chambres. » (12)

L’univers carcéral :

L’univers carcéral est très marqué. Tous les détenu(e)s parlent du centre comme d’une prison. Les gardien(ne)s sont nombreux(ses). L’environnement est carcéral : barbelés, vidéosurveillance et régime de sanction pouvant aller jusqu’à l’isolement.

“Les portes des chambres sont les portes d’une prison, ces portes sont très lourdes, il n’y a pas de contact direct entre les détenus et les gardiens, il faut leur parler derrière la porte, une porte métallique bien sûr, une porte de prison” Témoignage

La communication :

Normalement, les détenu(e)s reçoivent une carte téléphonique en arrivant au centre, afin d’avertir leurs proches de leur mise en détention. Par la suite, comme en prison, ils/elles doivent faire des corvées s’ils/elles n’ont pas d’argent pour en racheter  (travaux de nettoyage, d’entretien, ou même de traduction). Celà marche avec un système de « points », qui permettent d’acheter dans le centre des cartes de téléphone, des cigarettes…”

Il n’est pas possible de recevoir d’appels personnels au centre, à part de l’avocat. Les personnes peuvent donc être complètement coupées du monde, surtout si elles se sont fait arrêter à l’aéroport et qu’elles n’ont pas de proches en Belgique.

Les détenu(e)s peuvent garder leur téléphone, seulement s’il n’a pas d’appareil photo ni de caméra. (Ceci en dit long sur la volonté de garder ce qui se passe dans le centre secret).

L’accès de Merksplas est très difficile, tant pour les avocats que pour les proches. De plus, les visites des proches sont impossibles dans les centres proches des aéroports. Ceci est très difficile pour les personnes vivant depuis de nombreuses années en Belgique.

La liberté de circulation (sic) :

Au 127 bis et à  Vottem (constructions les plus récentes), les détenus  ont, à  l’intérieur de l’aile du bâtiment où ils sont assignés, la  liberté de circulation entre des pièces donnant sur un long couloir : réfectoire et salle de télévision, salle de gymnastique, douches, toilettes, buanderie. Ils ont accès au préau pendant les deux heures quotidiennes d’ouverture de la porte donnant sur l’extérieur. Les chambres de quatre personnes  sont  accessibles à toute heure et l’emploi du temps est « libre ».

À Bruges et à Merksplas, pas une seule porte ne s’ouvre sans clefs. Les détenus sont contraints à une vie de groupe et à  un  horaire strict du lever au coucher, avec déplacements obligatoirement encadrés par des gardiens entre dortoirs, réfectoire, salle de séjour et préau. L’accès aux dortoirs est interdit pendant la journée. Les couples sont séparés au centre  fermé de Bruges et ont droit à une heure de parloir par jour.

“A huit heures et demie nous devons quitter nos chambres. On n’a pas le droit de rester une minute de plus. On doit tous se rendre dans le hall du bas. Il y a une télévision et quelques divans sur lesquels on a le droit de s’asseoir. Mais nous sommes huit vous savez et il n’y a pas assez de place pour tout le monde sur les divans donc certains doivent rester debout et attendre que les autres soient reposés avant de pouvoir échanger.

A onze heures du soir ils nous enferment dans nos chambres, on ne peut plus sortir. On n’a même pas le droit de prendre une douche. On n’arrive pas à dormir et on ne peut rien faire. 

On a jamais le droit de sortir, il n’y a pas de « sortie  » ici. Les autres ils peuvent sortir, on les entend parfois quand ils sont dehors. Mais ici il n’y a que trois fenêtres. Je me trouve devant l’une d’entre elles à l’instant où je vous parle. C’est le seul moyen  d’avoir accès à de l’air frais.”

Témoignage

 “Nous  n’avons pas le droit de dormir à  l’heure que nous voulons. On doit  dormir à 9h30. Tu sais, on est obligé  de dormir à 9h30. L’après-midi, tu n’as pas le droit de manger à 2-3h, tu as le droit de manger seulement à 1h.

Et puis pour le dîner aussi, pareil, tu as le droit de seulement manger à 18h30 et donc si tout le reste de la nuit tu as faim, c’est ton problème.” Témoignage

“Il y a juste une heure pendant laquelle vous pouvez sortir et vous amuser un peu dehors, sinon vous êtes toujours enfermé. C’était une période dure, il faisait très très froid, il y a des jours où l’on ne pouvait pas sortir.” Témoignage

Le personnel : 

Les témoignages sont assez différents selon les personnes et les centres. Il semblerait comme partout qu’il y ait quelques personnes qui tentent d’établir un lien avec les prisonniers(ères), alors que d’autres ne font rien pour cacher leur racisme et leur violence.

Les détenu(e)s parlent souvent des assistant(e)s sociaux qui ne font rien pour faire avancer leur dossier, mais essaient juste de les convaincre de prendre l’avion.

“Les assistants sociaux, quand ils viennent, c’est pour transmettre les décisions de l’office des étrangers et la plupart sont des décisions négatives. Un ami à moi a reçu une décision hier, le tribunal était le mercredi, et il n’a reçu la décision que le vendredi. Ils ne veulent pas donner la décision pour que l’avocat ne puisse pas faire un recours. Et maintenant il doit partir demain, il a son vol à 6 heures du matin, alors qu’il est entré avec un visa.” Témoignage

(12)    Résumé du Médiateur fédéral, “Investigation sur le fonctionnement des centres fermés gérés par l’office des étrangers” (De Bruecker & Schuermans, Juin 2009), http://www.mediateurfederal.be/fr/bibliotheque/rapports/rapports-dinvestigation

 

Certaines infos soulignées proviennent de ces documents :

http://cire.be/thematiques/enfermement-et-expulsions/592-cahier-pedagogique-sur-les-centres-fermes-au-depart-du-film-illegal

Rapport  de la délégation de la commission LIBE  sur la  visite aux centres  fermés pour demandeurs d’asile et immigrés  de  Belgique – Rapporteur:  Giusto CATANIA