Le caricole vu de l’intérieur

Non, ce qui suit n’est pas la description d’un décor de film  futuriste, non, ce qui suit n’est pas non plus la description d’un  endroit bien enfoui dans ces régions éloignées de pays totalitaires, non  ce qui suit n’est pas le fruit de fantasmes quelconques, ce qui suit  est situé en Belgique, pays qui se dit accueillant et respectueux des  droits humains. Il s’agit d’une description la plus neutre possible…

Il était une fois un gouvernement qui décida il y a une dizaine  d’années de construire un bâtiment dans lequel il pourrait, à l’abri du  regard de tous, enfermer immédiatement les êtres humains se présentant à  l’aéroport et n’étant pas munis de documents adéquats. Entendez,  documents leur permettant de fouler pour une certaine durée ou une durée  certaine, ce pays de cocagne appelé Belgique, lui-même situé au sein de  l’Europe forteresse qui s’est octroyée le “droit” de choisir qui avait  le “droit” d’y résider, et qui pas.
Ainsi, ce gouvernement poussé par le parti nationaliste de droite,  depuis interdit – le Vlaams Block – décide la construction d’un “centre”  pour caser toutes ces personnes étrangères qui ont été triées à leur  arrivée. Ce centre est la propriété d’une société privée Biac et loué  par la Régie des bâtiments (l’Etat loue à une société privée l’espace  pour enfermer des personnes sur un territoire qui n’est pas tout à fait  la Belgique puisque zone no man’s land ..)

Aujourd’hui, magnifique! enfin terminé, le centre depuis baptisé  “Caricole” en raison de sa forme circulaire (pour déboussoler les  occupants ?) est sorti des esprits pour entrer dans la réalité.

Situé à côté de son confrère le 127bis destiné à enfermer les  personnes en attente d’expulsion (centre de rapatriement), le Caricole  est accessible depuis l’aéroport par un sas direct. Il a fière allure  dans la grisaille des champs, tout circulaire qu’il est avec ses  panneaux de bois qui ont déjà l’air pourri. Mais pour apercevoir ces  panneaux, il faut un peu cligner des yeux puisque la bâtisse est  entourée de grillages noirs, solides, effrayants, environ 4 m de haut,  tout hérissés. Elle est de plus, pour toute sécurité certainement,  entourée de douves pas encore remplies d’eau…. Une armada de caméras  surveille, surveille…

A quelques mètres des pistes d’atterrissage de l’aéroport de Bruxelles National, il a une capacité théorique de 90 places.

Mais, soyez tranquilles, à l’intérieur, on n’entend absolument rien  des allers et venues aériennes, le tout est très bien insonorisé. Dans  cet intérieur flambant neuf tout est blanc immaculé.
Actuellement une cinquantaine de “résidents” y sont détenus.
Le personnel est composé d’une centaine de personnes dépendant de  l’OE et d’une vingtaine de personnes employées par les sociétés privées  pour la nourriture et le nettoyage.

Tout est prévu, tout est organisé, salles d’interviews pour les  entretiens avec avocats, salle des visiteurs dans laquelle les  “résidents” peuvent recevoir des visites, pas seuls en tête à tête, mais  dans une grande pièce qui compte actuellement 5 tables avec 6 chaises,  il y a même un sympathique coin jeux pour les enfants, tout est prévu.  Murs plafond et portes tout est blanc. Visites possibles de 14 à 16  heures.
Le personnel, presque au complet se compose d’assistants sociaux et  d’accompagnateurs, infirmières et médecin à disposition des résidents.
Ici, contrairement à ce qui est se subi dans d’autres centres, pas  d’uniformes, les personnes qui s’occupent des détenus sont tous en  civil. Il ne s’agit pas de gardiens mais d’accompagnateurs. Ils parlent  plusieurs langues.
Un poste de surveillance avec ses multiples écrans, permet de  surveiller en temps réel les alentours du centre ainsi que ses entrées.

Des locaux sont prévus pour “l’intake”, traduisez l’accueil, des  résidents. Là leur sont fournies des fiches d’information en plusieurs  langues. Il y a la visite médicale comprenant un check-up standard, si  nécessaire des examens particuliers sont entrepris, c’est également là  que se donnent les certificats “fit to flight” traduisez, en état d’être  expulsés….Ils disposent d’un casier leur permettant de déposer leurs  biens, un gsm leur est remis dans lequel ils peuvent utiliser leur carte  personnelle. Si elles – ils souhaitent téléphoner à leur avocat, ou à  l’OE cela leur est possible gratuitement. Ils disposent d’un badge  personnel pour l’accès à leur chambre. La circulation est libre,  elles/ils peuvent même se rendre dans la cour entre 7h30 et 22h30.

Cette cour  n’est pas énorme, environ 2 x 60 m2 et les autres espaces  pour du foot out du basket ne sont accessibles qu’accompagnés –  grillages extérieurs oblige.
Tout est blanc, si ce n’est le couloir qui indique la couleur de  “l’aile” – bleue, orange, brune,… tout est à l’identique puisqu’on est  dans le circulaire….
Mais que serait un centre sans sa cellule d’isolement. Environ 3m sur  4 avec pour seul mobilier un bloc-lit et un wc. Les “fenêtres”  rappellent des meurtrières puisqu’elles sont 2 et font env. 10 cm de  large et 1,50 m de haut. Tout donne sur le vide des champs..
D’autres salles existent, bibliothèque, salle de pi!ng pong et  fitness, accès à internet pour les matières concernant l’asile, salle de  création… heures d’ouvertures indiquées comme toutes les autres  indications aux portes d’ailleurs, en néerlandais uniquement. Ce  territoire no man’s land est-il donc flamand?
Il y a deux grandes pièces de détente, accès libre, l’une dispose  d’une télévision et d’un billard, il y a aussi un fumoir. Les deux  grandes salles sont sous surveillance puisqu’un espace vitré entre les  deux est occupé par des accompagnateurs, l’autre espace comme un  comptoir permet de demander l’une ou l’autre chose comme du thé par  exemple.
Les chambres sont elles aussi blanches, 2, 4 voire 6 places,  celles-ci avaient été prévues pour des familles mais le rappel aux lois  en empêche actuellement cet usage sauf occasionnellement pour une nuit  avant une expulsion. Les chambres sont libres d’accès dans la journée,  elles comportent une TV qui est allumée entre 7 et 10h et entre 19 et  23h. Elles disposent d’une salle de bain avec WC.
Les repas sont pris en commun, une cantine, self-service, nourriture  correcte, accoustique désastreuse comme partout dans le centre  d’ailleurs.
Voilà une description des lieux, elle ne parle pas des sentiments de  ceux qui s’y trouvent enfermés. Aussi organisé et aseptisé qu’il soit,  le Caricole n’en reste pas moins un lieu isolé des regards avec des  détenus qui se trouvent là dans l’attente que leur dossier soit traité  pendant des semaines…à n’apercevoir du monde extérieur que des avions  et des champs derrière des grillages et des fenêtres bien fermées.

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