Le gouvernement Michel et Theo Francken, secrétaire d’État à l’Asile et aux Migrations

M. Theo Francken, membre de la N-VA, occupe la fonction de secrétaire d’État à l’Asile et aux Migrations depuis le mois d’octobre 2014, dans le cadre du gouvernement Michel. La politique d’immigration et d’asile menée par M. Francken, dont les bases se trouvent dans l’Accord de gouvernement, s’inscrit dans la continuité du gouvernement précédent et de sa prédécesseure, Mme. Maggie de Block.

L’Accord de gouvernement du 10 octobre 2014 met avant tout l’accent, dans le CH7 consacré à l’asile et à la migration, sur la lutte contre l’abus vis-à-vis des normes de régularisation, ainsi que sur l’augmentation de l’efficacité et de la rapidité des procédures. Si l’intérêt porté à la qualité de l’accueil est évoqué dès le début du chapitre, le programme gouvernemental est en réalité presque exclusivement consacré à la question des restrictions à l’accueil et à l’efficacité de la gestion (centralisation des données, etc.), son engagement social se limitant à peu près au respect des conventions et des droits établis (avec une légère insistance sur la protection des mineurs en demande de régularisation, la Belgique ayant déjà été condamnée à trois reprises par la Cour européenne des droits de l’homme au sujet de la détention des mineurs en situation irrégulière). Sont listées avec minutie les formes d’abus à surveiller et réprimer, concernant les statuts de réfugiés, la réitération de l’introduction d’une demande de régularisation, les mariages, cohabitations, et certificats médicaux dits « de complaisance », la reconnaissance familiale frauduleuse, le statut au pair, etc. « Si vivre en famille est un droit consacré par différents traités et par la Convention européenne des Droits de l’Homme, l’illégalité, l’abus de notre système social ou de toute forme d’avantage lié au séjour ne seront en revanche pas tolérés. » Les points de l’Accord concernant la naturalisation attirent en particulier le regard : Projet d’une définition légale introduisant le mérite économique comme critère favorable à la naturalisation, et adaptation des conditions permettant la déchéance de la nationalité. Le gouvernement s’engage à veiller à « la possibilité légale d’éloigner chaque étranger en séjour illégal qui est libéré après un emprisonnement », à étendre les centres fermés, à « revaloriser l’ordre de quitter le territoire », à intensifier les retours forcés (selon le « principe », remarquablement hypocrite, « du retour ‘volontaire si possible, forcé si nécessaire’ ») en faisant, entre autres, usage maximal des fonds européens pour le retour et des vols Frontex. Au niveau européen, le gouvernement se positionne notamment, en tant que « défenseur de l’Europe », pour un renforcement de Frontex afin d’assurer la sécurité des frontières et la lutte contre la clandestinité. En réponse à la condamnation de la Belgique par la Cour européenne à propos du respect de la vie privée des familles détenues, le gouvernement envisage non pas (naturellement) l’arrêt de leur enfermement, mais bien plutôt la mise en place d’infrastructures (au 127bis) adéquates à leur détention.

C’est en accord parfait avec l’esprit de l’Accord que M. Francken entame et poursuit son mandat de secrétaire d’État à l’Asile et aux Migrations. M. Francken s’est engagé, dès le début de son mandat, à ouvrir 100 places d’accueil supplémentaires dans les centres fermés, afin de pouvoir augmenter le nombre d’expulsions. Il considère l’expulsion des illégaux-ales criminel·les·s comme l’une de ses grandes priorités. Il tente de palier à la réduction du budget affecté aux rapatriements forcés, qui est passé de près de 7,4 millions d’euros en 2014 à moins de 6 millions d’euros en 2015, en multipliant le recours, plus rentable, aux vols spéciaux de Frontex. Ses campagnes dissuasives à l’intention des Irakien·ne·s et des Afghan·ne·s, qui ont dernièrement marqué les esprits, correspond à un § de l’Accord qui stipule que la « Belgique continuera également ses campagnes de dissuasion pour éviter l’arrivée de demandeurs ayant peu ou pas de chance d’être reconnus. »

Quelques petites touches personnelles cependant : Un goût prononcé pour les sorties racistes et xénophobes, en particulier sur les réseaux sociaux (« Je peux me figurer la valeur ajoutée des diasporas juive, chinoise et indienne mais moins celle des diasporas marocaine, congolaise ou algérienne », Facebook 2011, « Il faut leur offrir l’hôtel, peut-être ? » au sujet des réfugiés, Twitter 2015, Etc.). Il a également eu l’originalité d’examiner sérieusement la demande de l’Office des Étrangers, tout à fait anticonstitutionnelle, de se voir octroyer le permis d’entrer chez les sans-papiers en l’absence de mandats.

La politique de M. Francken n’est pas sans rappeler celle de sa prédécesseure, Mme. De Block sous le gouvernement Di Rupo de 2011-2014. « L’accord de Gouvernement sous le Premier Ministre Elio Di Rupo, en décembre 2011, projetait déjà des changements importants dans le secteur de l’Asile et de la Migration : un seul ministre en charge de ce domaine, révision de l’acquisition de la nationalité, accélération des réponses et procédures, plus grande efficacité des politiques de rapatriement, priorité mise sur l’expulsion effective des personnes arrêtées par la police alors qu’elles étaient en séjour illégal. Le processus de la ‘chasse aux abus’ était lancé par Maggie de Block » (Alter Échos, 11.05.2015). L’on remarquera la poursuite, en outre, du refus massif de régularisation d’une parti importante des demandeurs-ses d‘asile afghan·e·s (qui fait l’objet de nombreuses luttes, menées depuis Mme. De Block par le Collectif des Afghans).

De manière générale, la politique migratoire actuelle en Belgique n‘opère aucune rupture avec les programmes précédents. Elle marque seulement l’accentuation de mesures toujours plus répressives, sécuritaires et discriminantes vis-à-vis des migrant·e·s en quête d’une situation régulière. La législature de Mme. De Block était marquée par l’augmentation des arrestations, des détentions et du renvoi des irréguliers-ères (12 000 retours par an). M. Francken reprend le flambeau en intensifiant à nouveau ces mesures, s’inscrivant pleinement dans la tendance européenne actuelle.

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