08/04/2023: La détention administrative en centres fermés des migrants (personnes étrangères sans documents de séjour considérés comme valables) a été instaurée en Belgique en 1988. Depuis cette date, la multiplication de ce type d’espace prend une place de plus en plus importante sur le scène de la frontière puisque si en 1988 on comptait 30 places en centre fermé, on en compte aujourd’hui jusqu’à 650 places.
Face à cette affirmation des mesures répressives, on peut véritablement parler d’une véritable explosion de l’enfermement de cette catégorie de la population ! Un centre fermé n’est en principe pas une prison, il s’agit de détention extra-pénitentaire où la décision d’enfermement est uniquement administrative. Ces centres sont sous la gestion directe de l’Office des Étrangers qui y a tout pouvoir. En réalité, malgré les tentatives d’euphémisation des aspects contraignants du dispositif (en centre fermé on ne dit pas “détenu” mais “résident”, on ne dit pas “incarcéré” mais “retenu”), il s’agit bien d’un véritable univers carcéral. Loin des regards, à l’abri des réactions de la société civile, des milliers d’hommes et de femmes y sont chaque année détenus.es., en moyenne 7000. Il existe 6 centres fermés en Belgique, 5 en Flandre et un en Wallonie.
Invisibilité et inaccessibilité deux termes qui caractérisent parfaitement les centres fermés et qui en font des camps au sens où on y observe la disparition de l’individu au profit du groupe, l’impossibilité d’y assurer le respect des droits fondamentaux. Des lieux monstrueux en termes de respect des droits fondamentaux et des procédures mais aussi en termes de dignité humaine. Dispositifs de sécurité en cascade, surveillance quasi-constante des détenu.e.s, sanctions disciplinaires, organisation de fouilles régulières… Les détenu.e.s sont soumis.e.s à un régime strict. Peu d’intimité, enfermé.e.s la nuit dans des chambres de 4 à 6 personnes ou, comme à Bruges, dans des dortoirs prévus pour jusqu’à 20 personnes.
Grâce à l’action des militant.e.s , certaines situations sont parfois rendues visibles : des personnes malades, des femmes enceintes, des pères et mères de famille, des personnes très âgées, des mineur.e.s… La plupart sont abandonnées par leurs avocats fantomatiques commis d’office. L’Etat belge les enferme pendant des jours, des semaines, des mois officiellement en vue d’organiser leur expulsion : soit de façon individuelle grâce à la collaboration des compagnies aériennes, soit par vols collectifs encadrés par des militaires et à l’écart des regards.
L’inconnue issue de la détention : la durée de détention ne peut en principe excéder 2 mois, prolongeables une fois à certaines conditions, puis à nouveau et ce jusqu’à 18 mois maximum. En pratique cependant, ces délais légaux, déjà très longs, ne sont pas respectés : une spécialité de l’administration belge: « remettre les compteurs à zéro », et donc le renouvellement du titre de détention, s’il y a demande d’asile ou en cas de tentative d’expulsion échouée. Par conséquent, pas de limite dans le temps ! Plus qu’une zone de non droit, c’est un régime d’exception qui s’exerce dans les centres fermés où tout semble possible pour qui les contrôle, où toute procédure ne convenant pas à l’Office peut être détournée, modifiée ou utilisée pour servir les intérêts de politiques migratoires toujours plus sécuritaires. En 2015, environ 300 personnes sont restées détenues pendant plus de 4 mois, et un millier entre 2 et 4 mois. La détention la plus longue en 2015 a duré un an et 2 mois témoignant encore une fois du manque de volonté étatique de reconnaître les migrants comme étant des sujets de droits.
Sous prétexte de vouloir lutter contre la criminalité et le terrorisme, donc en poursuivant ce mouvement de criminalisation des migrants, les Secrétaires d’État à l’Asile et la Migration , Theo Francken, a annoncé en mai 2017 la construction 3 nouveaux centres fermés d’ici 2021, doublant ainsi la capacité de détention de la Belgique. Des unités de détention pour les familles, dans lesquelles des enfants devaient être incarcérés ont vu le jour en 2017. Suite à des actions contre ces enfermements Video ici et une nouvelle condamnation de la cour Européenne des droits de l’homme ce centre a fermé et est actuellement vide.
La politique de l’enfermement se porte bien, destinée à “rassurer” l’opinion publique et à “décourager” les personnes en exil.
L’ancrage progressif d’une logique de surveillance, de contrôle et de dissuasion qui touche tous les migrants se cristalise dans la multiplication des centres fermés, il est temps de la dénoncer et stopper cette mise à l’écart juridique, sociale, symbolique et politique !
Seul la suppression de ces centres et non leur éventuelle “humanisation” pourra mettre fin à ces abus racistes du pouvoir.