- Qu’est–ce qu’un centre fermé ?
Dans la législation, les centres fermés ont pour fonction l’enfermement des personnes en séjour irrégulier. Ils sont autorisés par la loi du 15 décembre 1980 portant sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement, et l’éloignement des étrangers (M.B. 31 décembre 1980).
Dans un centre fermé sont détenues les personnes “mises à la disposition du gouvernement ou maintenues” (1), soit parce qu’elles sont en situation irrégulière, ne possédant pas les documents requis ou n’étant pas dans les conditions leur permettant d’entrer ou de séjourner légalement en Belgique, soit parce qu’elles sont en attente d’une décision de l’Office des étrangers suite à leur demande d’asile.
Actuellement, en Belgique ce mode de détention est en expansion et n’est pas remis en cause par les politiques : “La capacité des centres fermés sera utilisée de manière plus efficace et au besoin étendue.” (2)
- Un centre fermé est–il une prison ?
Un centre fermé n’est pas considéré dans les textes comme une prison, dans la mesure où c’est une institution qui ne dépend pas du Ministère de la Justice, qui n’est pas soumise aux règlements des prisons, mais à un arrêté royal propre. Le point commun entre les centre fermés et les prisons est leur fonction, la privation de liberté. Mais cette fonction est remplie dans des buts différents : la prison est une sanction dans le cadre d’une transgression à la loi, le centre fermé est une étape dans une procédure d’expulsion.
Cependant, dans les deux cas il s’agit bien d’un enfermement.
Ce qui caractérise le centre est sa structure juridico-politique fondée sur la permanence d’une exception. En effet, d’après la Convention européenne des droits de l’Homme, la liberté doit être la règle, alors que l’enfermement est censé rester une mesure administrative exceptionnelle, une mesure de dernier ressort. Les centres fermés se rapprochent donc plutôt du camp que de la prison, « le camp est l’espace qui se crée lorsque l’état d’exception commence à devenir la règle »(3).
La Belgique a été pointée du doigt à plusieurs reprises par des organisations de défense des droits de l’Homme pour les conditions de détention et d’expulsion des sans-papiers. De nombreux détenus ou ex-détenus témoignent des humiliations et des violences dont ils ont souffert ou souffrent encore.
“C’est une prison, une vraie prison ! Les portes des chambres sont les portes d’une prison, ces portes sont très lourdes, il n’y a pas de contact direct entre les détenus et les gardiens, il faut leur parler derrière la porte, une porte métallique bien sûr, une porte de prison.” (lire le témoignage)
- Quelle “efficacité“ pour les centres fermés ?
“Si l’effet visé officiellement par les mesures d’enfermement et d’éloignement des étrangers consiste à limiter les flux migratoires, à lutter contre la clandestinité ou les abus du droit d’asile, et à pacifier l’espace public, force est de constater que ces dispositions se révèlent assez inefficaces : des étrangers continuent de pénétrer légalement ou illégalement sur le territoire et sont toujours en rapport de concurrence avec les travailleurs ou allocataires d’aide sociale belges. Le résultat semble même aux antipodes des objectifs puisque l’intensification des contrôles, la menace virtuelle du centre fermé et de l’expulsion poussent les illégaux dans des situations toujours plus précaires — insécurisent les prétendus facteurs d’insécurité — et font donc le jeu des trafiquants de faux documents, des filières et des réseaux de travail clandestin ou de prostitution“.
Indépendamment de leurs échecs, les politiques de contrôle des flux migratoires — et en particulier les centres fermés — remplissent des fonctions d’ordre symbolique, idéologique et spectaculaire : d’une part, dissuader les futurs candidats à l’asile ou à l’immigration de venir en Belgique ; d’autre part, adresser des signes forts à l’opinion publique, lui montrer que des mesures drastiques sont prises afin de calmer son sentiment d’insécurité et de détourner son vote des partis d’extrême droite, tout en renforçant les dispositions xénophobes et les amalgames entre criminalité et immigration. (4)
(1) Selon les termes des Arrêtés Royaux du 8 juin 2009, qui fixent les règles et le fonctionnement des centres fermés.
(2) Note de politique générale du 20/12/2011 – Réforme de l’asile et de la migration
(3 ) Agamben, G., Homo Sacer. Le pouvoir souverain et la vie nue, Paris, Le Seuil, 1997.
(4) Du disciplinaire au sécuritaire – De la prison au centre fermé – de Matthlieu Bietlot