Audio : Maintenant ils vont me traiter comme un animal

20 février 2011 – témoignage d’un homme qui a été relâché du 127bis après 5 mois de détention – Il avait témoigné une première fois alors qu’il était encore dans le centre – Écouter sa première itw : ICI il-ma-donnecc81-un-coup-dans-la-nuque-et-ma-cassecc81-les-de

Combien de temps tu as passé en centre?
Au centre fermé j’ai fait cinq mois .

Et la durée légale est normalement de deux mois. Donc pourquoi cinq mois?
Je savais pas quand je suis arrivé en Belgique le 29 août, on m’a arrêté à l’aéroport. et puis j’ai demandé l’asile, on m’a emmené dans un centre fermé. Ils ont fait une tentative d’expulsion à l’aéroport en septembre. On était partis mais j’ai refusé le premier vol. On m’a changé de centre, on m’a emmené à Bruges, j’ai encore fait quelques mois. On m’a encore emmené pour une deuxième tentative de refoulement à l’aéroport, c’était le 20 novembre. On m’a menacé: les policiers m’ont frappé et m’ont cassé les deux incisives.

Écouter le témoignage :

Maintenant ils vont me traiter comme un animal

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En fait ce sont les gens de l’escorte qui ont été violents?
Oui c’était eux.

Ils ont donné des coups de pieds? des baffes?
Premièrement, quand ils commençaient à me tirer pour partir j’avais peur, l’inquiétude que j’avais, je ne savais pas… le caca est sorti seul dans les habits… ils ont dit comme je fais ça, maintenant ils vont me traiter comme un animal. Et alors ils ont commencé à me frapper, à utiliser la force. Ils m’ont frappé un double “pod” je suis tombé par terre, ils m’ont menotté les pieds. Et après quand ils ont voulu menotter mes mains j’ai refusé et il y en a l’un d’entre eux qui m’a piétiné dans la nuque. Ma bouche a tapé sur le sol et j’ai perdu les deux incisives.

Et ça a mis combien de temps avant qu’ils ne remettent ces dents?
Ça a pris deux semaines.

Et tu ne peux pas porté plainte contre l’office des étrangers pour le traitement qu’ils t’ont fait subir?
Je t’assure que j’ai porté plainte après 3 jours. le 23 j’ai porté plainte au comité P. Après un mois le comité P m’a répondu que non, ma situation est une peine judiciaire et ils sont incompétents pour juger cette affaire. Ils ont remis ça chez le juge et c’est le procureur du roi qui va faire ce jugement. Depuis qu’ils m’ont dit ça ils m’ont remis une enveloppe. Mon dossier est chez le procureur du roi. Et jusqu’à aujourd’hui pas de nouvelles, rien du tout, personne ne m’appelle…

Pendant que tu étais là-bas il y à d’autres personnes qui ont subit des violences pendant leurs expulsions?
Oui, il y avait un congolais. Lui aussi a été agressé lors de son expulsion à l’aéroport. On lui a brisé le cou, il avait un choc dans le cou. Quand il est revenu au centre il a porté plainte, le comité P est venu, il est passé en jugement. Il était pas convaincu alors le comité a autorisé de transférer la situation au tribunal. Quand le tribunal a organisé le jour de l’audience, on a tout fait pour l’expulser. Et le mec est retourné comme ça…

Ils l’ont expulsé au Congo avant l’audience?
Avant l’audience du tribunal, au Congo.

Pour éviter qu’il témoigne et qu’il y ait des problèmes après?
Oui. Et il y avait une petite encore. Elle aussi elle est victime, on l’a agressée et elle partie au Congo avec une plaie dans le dos.
Comment se passe la vie dans le centre?
Dans le centre c’est vraiment un monde à part. Je ne sais pas expliquer vraiment… on est comme des chiens, comme des brebis. Avec des instructions “fais cela, fais ceci”. Tu es là avec ton portable, tu dors à 22h, on récupère tout. Tu descends pas, tu es enfermé. Il est 7h du matin on vient te réveiller. Tu pars du petit déjeuner, tu sors une heure dehors. Après une heure de temps dehors tu retournes à l’intérieur. Personne ne monte pour aller dormir jusqu’à 22h. Quand tu montes, on récupère le téléphone et tu dors. C’est très difficile.

Pendant ton séjour là-bas, tu as vu beaucoup de personnes se faire expulser?
Vraiment beaucoup de gens. Il y à peu de chances. Par exemple si nous sommes au nombre de 20, 4 sortent et la majorité sont refoulés.

Et tu sais pourquoi tu as pu sortir alors?
Pour moi si je sors, je sais que eux ont compris ce qu’ils ont fait, comment ils m’ont traité, ils on tort. Peut être que c’est pour cela qu’ils m’ont donné l’avis de quitter le territoire. Parce qu’ils n’ont pas le droit de me frapper, de me casser les deux incisives. D’après les droits de l’homme ils ne peuvent pas le faire. Je pense que c’est pour cela qu’il m’ont laissé en liberté.

Donc en fait ils t’ont relâché du centre mais tu n’as pas de séjour ici, tu as un ordre de quitter le territoire  et si tu ne t’en vas pas, tu es sans papiers…
Oui c’est ça.

Et ça va?
Ça va pas, ça va pas. Comment je peux vivre sans papiers? Je souffre comme je suis ici. Je souffre et je ne m’habitue aux prothèses dans la bouche. Les canines qu’on a attaché, des prothèses en fer, ça me fait très mal. Je n’arrive même pas à croquer, à manger la chair. Même les pommes je n’y arrive pas, ça me fait très mal. Je souffre. J’ai des crises de folie, il y à des fois alors je parle avec des gens et je n’entends plus. Je rêve, les gens me disent “comment tu rêves?”, et moi je ne comprends pas, je ne comprends rien. Je leur dis “comment? je ne rêve pas, je suis là!”

Et ça c’était pas avant le centre? c’est le centre qui a provoqué ça ?
Il n’y avait pas non.

Tu as débarqué directement de l’avion au centre. Qu’est-ce que tu imaginais en prenant l’avion, avant le centre? Tu pensais que ça irait, que tu allais pouvoir arriver ici et que tu pourrais demander l’asile politique?
Non parce que ce n’était pas ma destination. Moi je partais en France. Ce n’était pas ma destination la Belgique, et quand je suis arrivé ici, ils m’ont arrêté.Comme je voulais partir demander l’asile en France, je n’ai pas pu y arriver et j’ai demandé l’asile là où ils m’ont arrêté.

Mais tu imaginais que ça existait des centres comme ça et que c’était possible qu’on te fasse ça? 
Non, je n’imaginais même pas… je ne savais pas que c’est comme ça. Je savais qu’ici chez les blancs, en Europe, c’est cultivé, il y à les droits de l’homme. Quand tu arrives, tu demandes l’asile, tu es à l’aise et ils font des recherches. Je pensais comme ça. Je ne pensais même pas qu’il y a des centres fermés. Et les centres fermés, je t’assure que c’est des prisons, c’est complétement des prisons.

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