- Le centre est en lui-même un milieu pathogène, au même titre que la prison. Un rapport d’une psychiatre, établi sur base de témoignages de détenu(e)s des centres de Bruges et 127bis, en témoigne : « Un certain nombre de détenus présentent dans les mois qui suivent leur libération ou leur expulsion un SYNDROME POST-TRAUMATIQUE soit de type court (quelques semaines), soit de type long (quelques mois ou années) » (13).
“Je n’avais jamais imaginé pouvoir aller en prison avant. J’avais l’impression d’être sous la terre, mon moral était très mauvais, mes cheveux sont devenus plus blancs qu’ils ne l’étaient avant. La prison c’est difficile, la prison tue. Il y a des personnes qui pourrissent de l’emprisonnement. Celui qui est sain tombe malade et les raisons ne sont pas identifiables. Les centres fermés cultivent la haine parce qu’on se trouve en détention sans aucune raison et qu’on reçoit des mauvais traitements sans aucune raison. De ce fait, toute personne qui quitte le centre fermé est imprégnée d’un sentiment de haine et a de mauvaises pensées.” Témoignage.
- La proximité du 127 bis avec les pistes de l’aéroport de Zaventem y rend le bruit insupportable et augmente le stress et l’anxiété. Les gardiens maintiennent cette insécurité au sein du centre par des règles ultra-sécuritaires qui prévalent sur le bien-être des individus. Les journées se déroulent dans l’oisiveté, sauf quelques petites activités sportives ou occupationelles qui servent à maintenir la pression à un niveau acceptable. “Les statistiques de l’OE indiquent que plusieurs tentatives de suicide et grèves de la faim ont lieu chaque année dans les centres fermés. Ainsi pour 2008, au centre de Vottem, il y a eu 33 grèves de la faim de plus de 48h (individuelles ou collectives), 3 tentatives de suicide, et le suicide d’une personne par pendaison… Ces chiffres ne semblent pas refléter le degré de détresse de nombreux détenus : le passage à l’acte est rendu difficile par le régime de groupe, l’encadrement sécuritaire et la fréquence des fouilles. De plus, la définition de ce qu’est une tentative de suicide varie d’un centre à l’autre, et il semble qu’un geste n’est considéré comme une tentative de suicide « sérieuse » et comptabilisé dans les statistiques que s’il en résulte un dommage physique!” (15)
“C’est horrible ici. Je n’arrive pas à dormir la nuit. Ils viennent toutes les nuits pour nous surveiller, voir si dormons ou pas. Mais qu’est-ce qu’il se passe ici ? Vous êtes en train de dormir et tout à coup, à quatre heures et demi du matin, ils viennent frapper à la porte et demandent : «Tout va bien ? Vous n’avez besoin de rien ? » Ils font ça pour nous rendre fous, ils jouent avec nous.” Témoignage.
- De nombreux moyens de pression psychologique sont utilisés sur les détenu(e)s, en plus de l’enfermement, qui est en soit extrêmement traumatisant. Les assistant(e)s sociaux jouent un rôle clé dans ce processus. En effet, ils/elles sont là pour convaincre les personnes d’accepter le retour volontaire, et non pas pour les aider à sortir du centre. Les détenu(e)s les appellent Mr/Mme Avion. Se rajoute à cela la barrière de la langue, le fait de ne pas connaître la date de l’expulsion, le fait de ne pas connaître ses droits, le bruit permanent des autres personnes du centre, la promiscuité, le manque d’hygiène … Toute une série de choses qui maintiennent les prisonnier(ères) dans un état de stress permanent. “La privation de liberté (… ) a de graves conséquences sur l’état psychique et physique des détenus. L’angoisse est omniprésente dans les centres fermés : angoisse de la détention, angoisse de l’expulsion, sentiment d’injustice lié à l’arbitraire de la détention (« Pourquoi suis-je en prison alors que je n’ai rien fait de mal? ») qui provoquent une totale incompréhension et une grande colère.” (15)
“Je souffre. J’ai des crises de folie. Des fois, alors je parle avec des gens, je n’entends plus rien… C’est le centre qui a fait ça, je n’avais pas ça avant.” Témoignage
“Dans le centre c’est vraiment un monde à part. Je ne sais pas expliquer vraiment… on est comme des chiens, comme des brebis. Avec des instructions “fais cela, fais ceci”. Témoignage
“Franchement ça m’a vraiment choquée de voir comment on emmène les gens comme des animaux.” Témoignage
“Une nuit tu t’endors, on vient te menotter, te prendre, c’est tellement choquant… Ou c’est l’assistante qui veut te parler. C’est comme ça qu’on isole quelqu’un. Vous imaginez un peu dans quel état on peut être, le stress d’être pris et isolé pendant 24 heures et d’entendre ensuite que le vol est pour demain. Il ne ramènent pas simplement la personne. Ils la mennotent, avec tous ces policiers, ces camions de police qui vous suivent, on dirait quelqu’un qui va s’échapper dans les airs… c’est très choquant.” Témoignage
“Lors de la troisième expulsion, ils m’ont dit : “Déshabille-toi !” Je me suis déshabillé. Ils ont mis deux policiers devant moi et il y avait aussi derrière une petite porte quatre où cinq personnes et une dame qui a dit : “Ouf, il est gros hein ?” Témoignage
“Ils ne nous traitent pas bien ici. Ils pensent que nous sommes des « déchèts» ou des animaux. Ils ne croient pas que nous sommes des humains. Nous avons 19 ans. Une autre fille a frappé ma soeur et les gardiens ont regardé sans réagir.” Témoignage
“Il y a beaucoup de tentatives de suicide, on subit une torture morale. Pour tous les problèmes de santé, les médecins donnent de l’aspirine et des calmants. J’avais très mal aux dents et mon compagnon de cellule souffrait de calculs aux reins : on nous a donné de l’aspirine, rien d’autre.” Témoignage
“Quand tu attends pour être expulsé rien n’est bien, ta tête n’est plus là. Ton mental est à 0 %. Même là jusqu’à présent je ne suis pas encore revenu. Parce que tu es abattu, tu n’as jamais été emprisonné, tu n’as jamais… quand c’est la première fois c’est trop dur hein…” Témoignage
(13) Rapport privé de la psychiatre Christine Dormal, Conséquences psychologiques de l’enfermement, 2009.
(14) Office des étrangers, Rapport d’activités 2008, p. 131