Témoignage audio
Introduction:
19/10/2015 : Sharif , un jeune Afghan de 17 ans est arrivé en Belgique par la route des Balkans en mars 2015. Il a tenté de faire une demande d’asile. L’Office des Étrangers l’a déclaré Dublin , étant passé par la Bulgarie. En outre, suite à un test osseux, l’office l’a déclaré majeur malgré des documents attestant de son âge et la probabilité d’erreur de ces tests reconnue par les scientifiques. Il a été arrếté le 14/09/2015 et enfermé au centre fermé 127bis où, désespéré, il a tenté de mettre fin à ses jours.
Il a été expulsé vers la Bulgarie avec violence le 27/09/2015. Après avoir été arrêté et battu à son arrivée en Bulgarie, il a passé 1 semaine dans la rue puis est revenu en Belgique . Tout cela à 17 ans ! Il reste extrêmement traumatisé actuellement et est très angoissé !
Son témoignage en Pashto avec traduction simultanée en français.
Retranscription témoignage Sharif
Q = Questionnant
C = Interprète de Sharif.
Q :Depuis combien de temps est-il ici ?
C :Je suis ici depuis 6 mois.
Q :Et qu’est-ce qui s’est passé ? Il est allé au centre fermé 127bis, on l’a arrêté…
C : Quand j’ai fait la demandé d’asile, j’ai dit que j’étais mineur. J’ai donné les documents qui montraient que je suis mineur. Ils n’ont pas accepté, ils ont fait un test médical. Ils ont dit que j’étais plus âgé que ce qui était inscrit sur ma carte d’identité afghane. Après 6 mois ils me donnaient plusieurs fois les dates pour mon interview, j’ai pensé que j’allais avoir les dates pour une interview lors de ma convocation ici au CGRA. Mais ce n’était pas ça, après 6 mois ils m’ont emmené au centre fermé, ils voulaient me renvoyer en Bulgarie.
Q :Et comment ça se passait en centre fermé ? Il n’était pas bien, déprimé ?
C : C’était très difficile, au centre fermé on ne faisait pas très attention. On était maltraités. Je suis triste car je n‘ai pas menti sur mon âge, mais on ne s‘est pas occupé de moi comme un mineur, mais comme un adulte dans le centre. Pour moi c’était hyper difficile.
Q: C‘était très difficile. Il s‘est coupé aussi, auto-mutilé au centre ?
C : – Il dit: Le centre fermé était trop difficile pour moi. J’étais trop ennuyé. Je ne savais pas quoi faire. J‘étais dans une prison sans avoir rien fait. Seulement j’ai déposé ma première demande en Bulgarie. Là-bas ils ne respectent pas les réfugiés. Ce n’est pas une vie là-bas. C’est pour ça que j’ai quitté la Bulgarie, pour revenir ici, pour avoir l’asile ici en Belgique. Au centre je me suis coupé la main. Car je ne savais pas moi-même pourquoi j’étais puni. Dans le centre, ils s‘en foutent de ce que j‘ai fait.
-L‘assistant social du centre m’a dit, après que je me sois coupé la main, que j’aurais beau me couper plus, ça ne changerait rien au fait qu‘on me renverrait en Bulgarie.
-Ensuite il a été mis 24h dans un cachot où il faisait complètement noir. C’était vraiment très difficile.
Q :Ensuite il a été emmené à l‘aéroport, pour être expulsé vers la Bulgarie?
C ; -Il dit : Je n’étais même pas au courant que je serai expulsé le lendemain. J’étais dans la chambre d’activité. Ils sont venus pour me demander de venir en [salle de] réception.Quand j’étais en [salle de] réception, ils m’ont emmené dans le cachot, [pour que j’y reste] tout seul. Il m’a dit que j’irai en Bulgarie demain. Je suis resté dans le cachot toute la nuit,jusqu’au lendemain. Le lendemain ils sont venus me chercher à quatre, ils m’ont attaché les pieds et les mains.
-Le lendemain ils sont venus me chercher à 4h du matin. Toute la nuit je n’a rien mangé et pas dormi. Ils m’ont emmené à l’aéroport. Dans la voiture ils m’ont détaché les mains et les pieds. Mais quand on était à l’aéroport, j’ai forcé pour ne pas y aller. J’ai refusé. Après ils m’ont attaché plus fort,les mains et les pieds, et aussi ils m’ont fermé la bouche. Ils m’ont pris à quatre pour me faire entrer dans l’avion.
Q :Et donc, après l’avion, il est arrivé en Bulgarie. Qu’est-ce qui s’est passé en Bulgarie ?
C :- Il dit : Après quand ils m’ont donné aux flics de Bulgarie à l’aéroport, ils m’ont encore gardé une nuit au cachot. Après, le lendemain ils sont venus, m’ont donné un papier disant que je n’avais pas le droit de rester en Bulgarie. Le papier disait : Votre dossier ici est fermé, vous n’avez le droit de rien ici, vous devez quitter la Bulgarie le plus vite possible.
– Il a dit ensuite qu’il y avait une deuxième option: Si tu veux vraiment rester ici en Bulgarie, tu peux louer un appartement, ensuite revenir avec tous les contrats, etc. pour nous, refaire la demande d’asile, et ensuite voir si tu seras accepté ou pas. je n’avais pas d’argent là-bas, c’était très difficile.
Q : Et en Bulgarie ils ne le considéraient pas comme mineur non plus?
C :Il dit : Quand je suis venu en Bulgarie je n’avais plus ma carte d’identité sur moi. J’ai dit mon âge, mais mon traducteur a mal traduit : Il a changé l’année afghane en l’année du calendrier européen. Alors là aussi j’étais considéré comme majeur.
Q :Et ensuite, qu’a-t-il fait en Bulgarie, face aux deux propositions, partir ou louer un appartement ?
C :Il dit par rapport à la [deuxième] proposition :Je n’avais plus d’argent pour me trouver un logement. J’ai passé une semaine dehors. À partir de cela, j’ai repris la route,une fois encore. Je suis revenu ici. Car, comme il l’a déjà dit,il a ici un oncle, un membre de sa famille.
Q :A-t-il quelque chose d’autre d’important à rajouter ?
C :Il dit :Oui, mon état de santé est trop grave,maintenant je ne parviens pas à bien réfléchir. Les choses que j’écoute, etc., un jour après je les oublie. Je ne suis vraiment pas tranquille. Je le prends très mal de ne pas être accepté comme mineur alors que j’ai donné les documents, la vraie carte d’identité, etc. Qu’ils ne soient pas acceptés. Il dit que c’est ce qui le touche.
Q: Il est très traumatisé…
C :Il dit : en Bulgarie je n’ai aucune famille. J’ai une famille ici, un oncle, qui est comme un père pour moi ici. J’ai pensé que je pourrai aller à l’école, apprendre la langue pour avancer dans ma vie. Mais je ne m’attendais pas à me faire traiter de menteur. Mon rêve c’était de vivre ici, vivre chez mon oncle,continuer mes études. Je suis triste que ça ne fonctionne pas.