Témoignage d’une résistance à une expulsion forcée!

#stopdeportation

 

VOL SN BRUXELLES – CONAKRY  via DAKAR ”

19 juillet 2022

Apres plusieurs semaines ” turbulentes” , mais envers et contre tout, de bonnes énergies aussi…., enfin ce départ tant attendu. Mon cousin Moussa est à l’avance,destination Gare du Nord où on se fait une chaleureuse accolade sur le quai.A croire que tous rentrent au pays ce jour là ! Une file interminable et 3 guichets au contrôle retardent l’embarquement de 45 minutes. Enfin installés, on palabre en ouolof avec mes voisins de vol et ça les ravit. 

2 fois à intervalle de quelques secondes,on entend soudain un cri venant de la dernière rangée : un jeune homme entouré de 2 personnes semblant l’accompagner.  Au début nous ne réalisons pas ce qui est en train de se passer, on continue à échanger dans la bonne humeur. 

Souhaitant faire quelques pas avant le décollage,je me dirige vers le fond de l’avion. Une dame affublée d’un gilet orange fluo m’interdit d aller plus loin. Je la regarde d’un air perplexe. Elle réitère en précisant “police”. 

Et là,  je comprends soudain  la situation : rapatrié de force,  le jeune essaie de nous avertir.Il est “escorté” de 7 policiers en civil. Je regarde ceux  entourant le gamin. L’index levé, je leur dis 2 fois calmement mais fermement :”ça je ne peux pas cautionner”.Je retourne vers mon siège. Sans m’y asseoir, je préviens les passagers alentours.Le jeune homme crie à nouveau.  On réalise alors la terreur de celui-ci cette fois.2 hommes réagissent.

S’ensuit un début d’émeute de par ceux-ci, quelques autres s’en mêlant. La police, secondée par l’équipage, nous intime l’ordre de nous asseoir. Ce qui se fait peu à peu.Je suis la seule encore debout ,fixant les policiers,le jeune homme et répétant ” ca je ne peux pas cautionner “.

Une hôtesse s’énerve alors sur moi en me tutoyant et me menaçant de me faire descendre (surenchérie par un des policiers). Mon voisin perd soudain son sang froid , s’en prend à cette hôtesse quant à la manière dont elle m’a parlé.2 mamans accompagnées de leurs enfants refusent de voyager dans ce contexte, s’emportent à leur tour. Le ton monte de plus bel.Après plus d’une heure ,

les policiers font enfin descendre le jeune homme. Des passagers installés dans la partie centrale applaudissent.Première et seule réaction de la sorte : une Européenne me dit quelque peu exaspérée ” il est descendu,c est bon maintenant,vous pouvez vous asseoir”. Mais le fourgon – incognito aussi- est à l’arrêt et 2 policiers sont toujours dans l’avion .Je ne cède pas,encore et toujours debout…Après une dizaine de minutes,ils rejoignent finalement le tarmac et la camionnette démarre .Une fois assise, je me rends compte que j’ai la respiration courte et les jambes flageolantes. Que j’ai réussi à garder mon calme – extérieurement- tout en étant intransigeante…Qu’ils auraient vraiment pu m’empêcher de partir. Je demande à une hôtesse pour changer de place. Invoquant une raison bidon, elle refuse. Une fois le dos tourné, je m’ installe symboliquement à la place du gamin. Aucune membre de l’équipage n’osera  exiger que je reprenne ma place initiale.Au décollage, discrètement mais de manière inattendue,je craque. En larmes silencieuses, je ressens à la fois un  soulagement sans nom, une colère nauséeuse pour ce contexte d’une inhumanité si violente et meurtrière. Une tristesse et une peur incommensurables pour ce gamin et ce qui l’attend à son retour au centre fermé .Je réalise aussi à quoi il a échappé,en tous cas aujourd’hui. Cet avion, nous l’avons pris par choix et en toute liberté. A l’atterrissage, je pense à l’enfer qu aurait  été ce voyage pour cette personne,cet être humain, OUMAR, d’origine guinéenne. 

Depuis, de Dakar, j ai fait appel à Getting the voice out. Je leur ai demandé d’essayer de localiser et identifier ce jeune réfugié. Ce qu’ils ont réussi à faire en quelques heures de par mon information de vol (respect). Le dossier de Oumar est apparemment plein d’irrégularités.

Nathalie

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