11 février 2012 : Témoignage désespéré d’un homme prisonnier dans le centre fermé 127 bis, près de Bruxelles
Écouter le témoignage :
Quand je le vois, je vois la mort
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Bonjour.
Bonjour
Comment vas-tu ?
Ça va… Ça va pas bien.
Ça va pas bien. Donc tu es dans le 127.
Je suis dans le 127 bis. Oui.
Est-ce que tu peux nous raconter la situation en ce moment ?
La situation en ce moment est horrible.
Horrible ?
Horrible, horrible, horrible. La nourriture c’est la catastrophe. A propos de moi, moi ça fait presque 40 jours, ou plus, que je n’ai pas mangé. Je mange seulement le matin. La collation du matin, je la partage à trois. La plupart des gens font ça. Ils prennent que le petit déjeuner et le partagent pour la journée. Ils vivent avec le petit déjeuner, avec de la confiture et du beurre. Si tu manges tu dors direct. Tu vas dormir direct. Tu bois du café, tu vas direct dormir. Il y a des jours tu ne trouves personne, dehors.
Ça veut dire qu’ils mettent des médicaments dans la nourriture ?
Oui ça se voit. Tout le mode est pareil ici. Tu vas, tu dors. Il y a des gens qui dorment le jour, qui dorment la nuit. Comme moi je dors le jour et je dors la nuit. Tu bois du café, tu as quelque chose. Tu réclames, ils te font quelque chose.
Avec nous, il y a un handicapé. Ca fait 4 jours qu’il n’a pas mangé. Aujourd’hui ils l’ont amené dans une chambre isolée. Ils lui ont dit que « tu vas rester ici, tu vas pas sortir avec les autres.» Même sa prière il ne vient pas la faire avec nous. Ce n’est pas humain ce qu’on subit ici.
Mais ils l’ont mis en isolement pourquoi ?
Oui.
Pour son comportement ?
Non, il n’a pas de comportement lui. C’est un homme gentil. C’est parce qu’il ne voulait pas manger.
Et tu as pu aller le visiter à l’isolement ?
Je passe chaque jour pour l’aider à prendre sa douche. Aujourd’hui je suis parti lui faire un massage. C’est triste. On va le tuer. Moi quand je le vois, je vois la mort.
Et donc là vous, vous êtes tous au courant de cette situation ?
Oui on est tous au courant. Tout le monde sait ça.
Mais tu sais à propos de moi. La première fois, ils m’ont amené à l’aéroport, sans que je voie mon avocat, sans que je récupère mon argent, sans me dire qu’il y avait un avion qui m’attend. Ils sont venus chez moi le matin et ils m’ont dit : « Tu vas aller chez le dentiste. » je suis descendu pour aller chez le dentiste et ils m’ont dit : « maintenant tu vas partir directement à l’aéroport. » j’ai dit : « Comment ça ? ». Ils m’ont dit : « C’est le médecin qui a dit ça. »
Et c’est quoi cette histoire de médecin ? Ils disent que c’est le médecin qui prend la décision sur votre reconduite à la frontière ? sur votre expulsion ?
A propos de moi, le médecin a dit : « Ce monsieur… »
Tu sais comment ça se passe ? Parfois quand tu es malade, tu veux descendre chez le médecin et on te dit non, ce monsieur on ne le ramène pas. Tu as compris ce que je dis ?
Oui. Ce que je comprends, c’est que c’est le médecin qui décide si vous quittez le territoire.
Oui c’est ça, c’est ça.
Oui mais il se passe des choses ici, que tu ne comprends pas.
La dernière fois, il m’a donné un médicament. Je l’ai pris à midi, je suis devenu comme un fou. Mon cœur commençait à battre très fort. Quand je suis descendu voir le docteur, il m’a dit : « Non toi tu n’as rien, on va t’arranger. Demain on va t’amener à l’hôpital. » Ca va je suis remonté. 5 minutes ou bien 10 minutes après, j’étais en train de regarder par la fenêtre avec un copain et il m’a dit : « Regarde une ambulance qui vient, on m’a dit qu’il y a quelqu’un qui est malade. » l’ambulance, elle est venue pour moi. Même eux ils savent que le docteur, ce n’est pas un bon docteur.
Quand j’ai parlé avec le directeur, il m’a dit qu’il ne pouvait pas trouver un docteur qui travaillerait pour 60 euros/heure. Tu vois, ils savent que le docteur, ce n’est pas un bon docteur. Tout le monde a des problèmes avec le docteur.
Est-ce que toi, tu as des nouvelles pour ton cas, Est-ce que tu sais si ça a avancé ou pas ?
Là j’ai un avocat. Une fois il vient, une fois il ne vient pas.
Moi ça fait 12 ans que je suis ici. 12 ans. J’ai fait l’école, je suis intégré. J’ai une maison, j’ai une fiancée. J’ai tout. Je n’ai jamais eu de problèmes avec des personnes ou avec les policiers ou avec personne.
Maintenant, j’aimerai savoir où se trouve mon dossier. Est-ce qu’il y a une réponse pour mon dossier ou il n’y en a pas. Normalement je ne voulais pas parler avec vous ici, je l’ai fait à cause de ça, parce que je n’ai personne au Maroc.
J’ai 45 ans. Un homme de 45 ans, qu’est ce qu’il va faire au Maroc ? Qui a vécu ici 12 ans, qu’est ce qu’il va faire au Maroc ? Ici j’ai ma famille qui s’occupe de moi. Au Maroc je ne fais rien. Qui va s’occuper de moi ? C’est ça le problème mon frère.
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