08 février 2012 : Témoignage par téléphone d’un détenu au centre fermé 127 bis. Il a été victime d’une rafle dans un salon de coiffure.
Écouter le témoignage :
Je n’ai plus assez de courage_01
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Je suis dans le centre fermé depuis un mois et demi, et j’ai vraiment perdu beaucoup de poids, ma situation est grave. J’attends le résultat du tribunal, j’ai été au premier tribunal, ça a été négatif.
Ca fait 6 ans que je suis ici en Belgique. J’ai fait une demande de régularisation. J’habite également dans une maison, j’ai une adresse, je paye le loyer, je paye l’électricité, je travaille au noir comme ça je peux manger. Ils m’ont attrapé dans un salon de coiffure, ils sont rentrés et comme je n’ai pas voulu donner mon nom exact aux fédéraux…
Ils m’ont dit : « Donne-moi ton nom ! ». J’ai donné un nom, car je ne voulais pas donner mon vrai nom, ma vraie nationalité, car j’avais peur d’être rapatrié. Après, ils ont pris dans ma veste mon titre de transport, et ils m’ont dit « C’est pas ça ton nom, c’est ça ton nom, pourquoi tu m’as menti ? ». Il m’a frappé deux fois, il m’a giflé deux fois au visage, et j’ai vraiment eu une douleur pendant deux semaines. J’ai déposé une plainte mais ça n’a rien changé.
Je suis là au centre, je souffre. Je ne veux pas retourner au Maroc dans mon pays. Je ne veux pas et je ne peux pas en même temps. J’ai vraiment peur qu’il m’arrive quelque chose, j’ai peur de prendre l’avion, peut-être que mon coeur va s’arrêter. Alors à chaque fois que j’entends le bruit de l’avion, je ne peux même pas regarder par la fenêtre. Alors imaginez-vous, je l’entends tous les jours, tous les matins, tous les soirs. Vraiment je suis dans une situation très très grave moralement, je souffre beaucoup. Je veux vraiment que ça change, je voudrais vraiment ! Si quelqu’un a un grain, rien qu’un grain d’humanité, et qu’il entend mon message, s’il peut faire quelque chose, parce que moi je n’ai rien fait. Je suis quelqu’un de bien. J’ai fait une demande de régularisation. Je travaillais normalement en Belgique. Je ne veux pas être rapatrié au Maroc. Je ne veux pas ! Je n’arrive pas à l’admettre ! Alors, pour tous ceux qui sont avec les sans-papiers : S’ils peuvent faire quelque chose, changer quelque chose ici au centre, et bien courage, je vous souhaite beaucoup de courage parce que moi je n’en ai plus !
Comment ça se passe dans le centre ?
C’est grave, la situation pour la nourriture c’est grave. Ce n’est pas suffisant. Imaginez-vous que le meilleur plat ici, c’est du riz, du riz tout seul ! Il y a des gens qui ont fait des grèves de la faim, ils sont allés au cachot, mais ça ne change rien aux faits ! Même si tu manifestes, tu ne peux pas parler aux gardiens. Un gardien, si tu ne lui parle pas bien, ou même s’il a juste envie, il peut faire un rapport, et après tu descends directement au cachot. Vraiment c’est grave ! Moi je n’arrive pas à comprendre ce qui se passe ici. Je n’ai rien fait, j’ai rien demandé, j’ai jamais commis un crime ici en Belgique, j’ai toujours essayé d’être bien.
Quelle attitude ont les gardiens avec vous ?
Normalement ils devraient garder une attitude humaine, mais c’est tout le contraire. Ils croient qu’on est des méchants. Ils croient peut-être qu’on peut les frapper, alors qu’on est rien de ça. Mais vraiment, il y a peut-être 1 ou 2 % des personnes avec qui on peut parler un peu.
Ils devraient être un peu comme des psychologues. Parce que tu n’es pas ici pour quelque chose de grave. Quand tu as droit à quelque chose, ils peuvent te compliquer la vie. Ils vont te dire que c’est les règles ici, que c’est comme ça que ça marche depuis longtemps et que ce n’est pas toi qui vas venir changer les règles. Ils doivent vraiment changer leur attitude. Ce sont des activistes, des associations des droits de l’homme qui devraient être là normalement, pas des gardiens. Eux, ce sont des policiers, il n’y a pas de grande différence.
Est-ce que vous avez un avocat pour vous aider ?
Oui j’ai pris un avocat, il essaye de faire son possible et on verra ce qu’il va faire.
Et les assistants sociaux ? Est-ce qu’ils viennent vous aider, comment ça fonctionne ?
Eux quand ils viennent, c’est pour transmettre les décisions de l’office des étrangers et la plupart sont des décisions négatives. Un ami à moi a reçu une décision hier, le tribunal était le mercredi, et il n’a reçu la décision que le vendredi. Ils ne veulent pas donner la décision pour que l’avocat ne puisse pas faire un recours. Et maintenant il doit partir demain, il a son vol à 6 heures du matin, alors qu’il est entré avec un visa.
Vers quel pays il va se faire expulser ?
Le Maroc. Vraiment il a été très surpris. Je lui avais dit qu’il allait sûrement être libéré. Parce que vraiment, il n’avait rien fait. Il était entré légalement avec un visa. Je lui ai dit : « Il faut que tu sois fort ». Mais hier, il n’a pas pu. Il a pleuré. D’une manière qui m’a vraiment touché au coeur. J’ai pleuré avec lui. C’était un moment très dramatique.
Il a perdu son travail au Maroc. Il m’a dit :« Ils ont détruit ma vie ! Qu’est-ce que je vais faire maintenant quand je verrai des touriste dans mon pays !»
Je lui ai dit qu’il ne fallait pas généraliser. Que des autorités, ce n’est pas comme les gens. Il y a des bonnes personnes dans ce pays, il y a des gens qui font leur boulot, qui sacrifient leur vie pour travailler avec toute l’humanité. Les gens qui sont venus ici, les associations, ne serait-ce que pour nous dire qu’ils sont avec nous, les sans-papiers. Ca nous a tous beaucoup touché, ils nous ont remonté le moral.
Moi, si j’arrive à sortir d’ici, je serai aussi un activiste. Je me battrai aussi pour que les gens soient libres et qu’ils puissent avoir la vie qu’ils veulent. C’est le pire d’être enfermé. Je vous souhaite beaucoup de succès pour votre projet….
Ok, bon courage, je ne sais pas quoi dire d’autre. On vous soutient. Courage !
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