Ils ne voulaient pas croire qu’ils étaient ses fils

06 mars 2011 : Témoignage de la sœur de deux détenus d’origine arménienne, dont un vient tout juste d’être expulsé.

Écouter le témoignage (NL) :

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Vous avez deux frères qui viennent d’Arménie. L’un d’eux a été expulsé lundi passé, le second est en grève de la faim dans le centre fermé de Merksplas. Pouvez vous nous expliquer depuis quand ils sont en Belgique et ce qu’ils y ont fait ?

Mon frère ainé est en Belgique depuis 10 ans, bientôt 11 ans. Nous sommes tous arrivés ensemble : mon père, mon frère ainé et moi. Mon plus jeune frère est arrivé plus tard, mais il est déjà en Belgique depuis 7 ans. Ils ont tous les deux fait une demande de régularisation au conseil d’état. Tout était en ordre, ils devaient juste attendre la réponse. Elle n’est jamais venue. Ils ont refait une demande de régularisation et ont attendu longtemps. Pour finir, la police est venue un matin chez eux. Ils leur ont dit : « Vous avez reçu les papiers. Vous devez venir avec nous au bureau pour les signer, ainsi tout sera en ordre plus rapidement ». Mes frères étaient très contents et ils les ont accompagnés. C’est là qu’ils se sont fait arrêter.

La police a téléphoné au ministère à Bruxelles. Là encore, ils ont menti. Ils ont dit que mes deux frères étaient venus d’eux même à la police, disant qu’ils attendaient une réponse depuis trop longtemps et qu’ils voulaient retourner dans leur pays. Tout cela n’est pas vrai ! La police a donc menti. La police a demandé au ministère de clôturer ces deux dossiers, puisqu’ils voulaient faire un retour volontaire :

C’est comme cela que ça s’est passé. Ils ont été enfermés dans un centre, alors qu’ils n’ont rien fait de mal !

Ils sont enfermés là comme s’ils étaient des criminels !

Ils étaient au 127bis, à Steenokkerzeel ?

Au départ, ils étaient au 127bis. Jusqu’au jour de l’incendie durant lequel tout a été détruit. Alors, mon frère ainé a été emmené à Vottem et le plus jeune à Anvers. L’ainé est en Belgique depuis 10 ans et va être papa dans quinze jours. Ils ont dit qu’ils ne croyaient pas que c’était son enfant. Mais nous avons la preuve du médecin qu’il y allait tout les mois avec sa femme pour les examens. Ce n’est pas une preuve que c’est son enfant ? Mais ils n’ont pas tenu compte de ça non plus.

Leurs demandes de régularisation étaient négatives. Vous le saviez ?

Ils les ont d’abord emmenés au 127bis à Bruxelles. Puis, 2 jours plus tard, ils ont reçu la décision négative du commissariat de Bruxelles, via la police. Ils leur avaient bien dit : « vous devez leur donner un négatif, ils retournent dans leur pays ».

Je leur téléphonais tout le temps à Bruxelles. Ils me disaient chaque fois que leurs dossiers étaient en cours, mais qu’il n’y avait pas encore de décision prise. Si tout cela n’était pas arrivé, ils auraient peut être leurs papiers ce mois-ci.

Dans quel commune habitaient-ils ?

À Maline. C’était la police de Maline. Ils les ont emmenés ce matin-là au commissariat, puis ils sont revenus après une demi-heure. Mon père, ainsi que la compagne de mon frère ainé étaient là. Ils ont emmené la compagne de mon frère et l’ont mise dans une pièce sombre. Elle y est restée pendant une heure et demi, sans manger ni boire. Elle était enceinte de sept mois et ils se moquaient d’elle. Ils lui disaient : « Ah, tu n’es pas enceinte ! Ça ne se voit pas ! »

Et votre frère ainé a été expulsé lundi passé ?

Lundi passé, il a été expulsé.

C’était la troisième fois qu’ils essayaient de l’expulser ?

Trois fois ,il est passé devant le tribunal. Trois fois, tout était faux. Ils ne croyaient pas qu’il était le fils de mon père, ce n’était pas écrit dans les papiers. Mes deux frères ont alors fait une demande de régularisation. Ils avaient tous les deux un contrat qui prouvait qu’ils voulaient travailler, mais ces papiers n’auraient jamais été envoyé au ministère.

Vous avez été voir votre plus jeune frère aujourd’hui au centre fermé de Merksplas ?

J’ai été le voir aujourd’hui. Il va très mal. Il ne sait presque plus marcher. Il m’a dit : « Le pire, c’est que je n’ai rien fait de mal! ». Il y a si longtemps qu’il est ici. Il n’a pas profité de la Belgique, il ne lui a rien couté. Il est toujours resté tranquille et il a été emmené comme ça par la police !

Psychologiquement, il va très mal. Il n’a plus mangé depuis 2O jours.

Il est en grève de la faim ?

Oui, il est en grève de la faim. Aujourd’hui, cela fait 20 jours qu’il n’a plus mangé. Il a mal partout. Le ministère n’en tient pas compte, je ne sais pas ce qu’ils pensent, que c’est un meurtrier ?

Il est dans une cellule d’isolement à Merksplas ?

Il est isolé, dans les locaux des médecins. Et ils le gardent là parce qu’il ne va pas bien.

Pourquoi est-il en grève de la faim ?

Pour essayer de sortir de là. Il a dit : « Je n’ai rien fait de mal. Ce sont des erreurs de la police, je suis ici pour rien ! »

Qu’est ce que l’avocat va faire ?

Il a été trois fois au tribunal et cela n’a servi à rien…..

Mon frère est maintenant très maigre. Il ne peut pas re-manger normalement tout de suite. Il doit recevoir des médicaments pour son estomac.

Il est bien traité à Merksplas ?

Il est soigné par un Médecin qui passe tous les jours .

Le médecin a fait un certificat disant qu’il est en grève de la faim ?

Je ne sais pas. J’ai parlé à l’assistant qui disait que le ministère le savait. Mais nous n’en avons pas la preuve. Nous ne savons pas.

Il faut qu’on lui donne une chance. Il y a si longtemps qu’il est ici. Il ne peut pas retourner au pays car il a des problèmes là-bas. Il faudrait juste qu’on lui donne l’occasion de vivre convenablement !

Et en Arménie ?

C’est impossible. Il a des problèmes en Arménie.

Et puis mon père a 77 ans et a subit une grave opération. Il n’a personne à part moi.Nous voulons juste que mes deux frères restent avec nous.

Votre papa est légalement ici ?

Il a reçu des papiers il y a déjà 4 ans. Mais pas mes frères. Ils disent qu’ils ne croient pas que ce sont ses fils.

Durant les années qu’ils ont passé ici, ont-ils travaillé normalement ?

Ils n’avaient pas le droit de travailler. Ils cherchaient du travail. Ils avaient trouvé un contrat. Mais ils n’en ont pas tenu compte.

Je trouve que ce n’est pas honnête. Ils devraient avoir une attitude plus humaine.

Le soir, la sœur nous téléphone : le frère ainé a été arrêté en Arménie. Elle est très inquiète

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